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J’ai eu le privilège de participer à l’édition 2016 du Stage méthodologique en appui à l’innovation en Agriculture Familiale, organisé par ADG (devenue depuis Eclosio) en collaboration avec l’Université de Liège – Gembloux Agro-Bio Tech, grâce à une bourse de l’Académie de Recherche et d’Enseignement Supérieur.
Je suis ingénieur du développement rural de formation et actuellement en service à l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles du Burkina Faso comme Agrostologue/Pastoraliste. Dans mes activités de recherche, je suis constamment en interaction avec les acteurs du monde rural notamment les éleveurs qui sont les cibles de nos actions. En collaboration avec eux, la recherche travaille à concevoir des innovations afin d’améliorer leurs conditions de vie et de travail.
La participation à ce stage est un passage intéressant pour les professionnels du Sud qui interviennent dans l’appui au développement des populations rurales à travers l’agriculture familiale. On y apprend énormément de choses nouvelles et on déconstruit la vision trop spécifique qu’on peut avoir des stratégies d’intervention en milieu rural. Les modules enseignés permettent aux stagiaires de conduire des diagnostics en vue de cibler, formuler, exécuter, suivre et évaluer des actions de développement de l’agriculture familiale. Ils sont bien articulés entre eux et bien déroulés par des encadreurs et des intervenants de qualité qui ont une parfaite maîtrise des réalités du Sud. Les journées de visites et les participations à des rencontres permettent aux stagiaires de toucher du doigt les pratiques de professionnels expérimentés.
Déconstruire pour une meilleure vision
Notre admission au stage qui s’est tenu du 12 septembre au 16 décembre 2016 a été conditionnée entre autres par la soumission d’un avant-projet. Au fur et à mesure que nous apprenions les outils de la gestion du cycle de projet (gestion axée résultats GCP-GAR), nous les appliquions à notre avant-projet. Agrostologue que je suis, mon avant-projet portait spécifiquement sur l’adoption des technologies de cultures fourragères en vue d’accroître la production laitière. Mon regard était figé sur les questions fourragères et c’était la seule solution que je proposais pour résoudre la question de la faible production laitière surtout en saison sèche. Avec l’appui de nos encadreurs, cette vision trop restrictive a été déconstruite en faveur d’un diagnostic plus large qui m’a permis de cerner toutes les difficultés liées au développement de la filière lait local dans mon pays. Ce stage a donc marqué un tournant décisif dans ma conception du monde rural et des innovations envers celui-ci, qui a considérablement évolué depuis les premiers instants du stage. A la fin du stage je me retrouve avec un projet (je dirais même un programme) qui prends en compte plusieurs axes stratégiques d’intervention qui peuvent faire chacun l’objet d’un projet de recherche et/ou de développement. Je continue de « creuser » chaque aspect de mon projet que je soumettrai à financement dès qu’une opportunité se présentera.
Remise en question sur le développement
Le stage a beaucoup enrichi mes connaissances de l’agriculture familiale et des bonnes pratiques qui vont avec celle-ci.
Avant ce stage, j’étais sceptique envers l’idée d’utiliser l’agroécologie comme pratique pour assurer la sécurité alimentaire.
Je me disais que l’Afrique avait du mal à satisfaire ses besoins, même utilisant les engrais et les pesticides, et que lui demander d’opter pour l’agroécologie (avec peu ou pas d’utilisation d’intrants chimiques, de machines agricoles, etc.) serait une façon de nous endoctriner pour demeurer dans le sous-développement. Le développement de l’agriculture en Occident n’est-il pas passé par les engrais chimiques, les pesticides et les machines ? Aujourd’hui, j’ai une vision tout à fait différente qui rejoint d’ailleurs la pratique de l’agriculture « à l’africaine » : il ne faut pas reproduire les mêmes erreurs que les occidentaux en encourageant ces pratiques néfastes pour les sols et l’environnement de façon globale. Pour moi il n’y a pas d’agriculture plus durable que l’agroécologie. Nos agriculteurs familiaux qui constituent plus de 90% des agriculteurs africains ont intérêt à revenir à l’agroécologie, car nous pratiquons depuis des siècles cette méthode, en y apportant des innovations en vue d’accroître les rendements et la qualité des produits.
Un stage qui mène à de belles rencontres
Enfin, le stage est un cadre d’échanges d’expériences entre plusieurs nationalités. Ces échanges portent aussi bien sur les aspects académiques que sur les aspects culturels et sociaux. Je remercie tous mes promotionnaires de stage : les 3 « petits » béninois, les 2 « belles » sénégalaises, les 3 « doyens » maliens, les 2 « mignons » malgaches, la « grande » camerounaise, le « formidable » congolais et « l’aimable » haïtien pour ces merveilleux moments passés ensemble.
Pour terminer je dirai aussi que la Belgique est un merveilleux pays de par ses hommes et femmes et de par son paysage.
Je souhaite longue vie au Stage méthodologique en appui à l’innovation en agriculture familiale afin que bien d’autres professionnels comme moi puissent bénéficier de ce renforcement de capacités qui est utile pour plus d’efficacité dans l’accompagnement du monde rural de nos pays.
Etienne SODRE