Les associations d’usagers, un levier de développement local : l’exemple du projet Liseke-Musimba

Les associations d’usagers, un levier de développement local : l’exemple du projet Liseke-Musimba
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publié par UniverSud en Octobre 2016

Partenariat entre le CAUB et UniverSud-Liège : une page se tourne !

Le 1 juillet 2016 a marqué une étape importante dans la collaboration entre UniverSud-Liège et l’ONG congolaise CAUB. Cette date marque la fin du partenariat entre ces deux ONG dans le cadre du projet de construction du réseau d’eau à gestion autonome de Liseke-Musimba, conçu pour alimenter un quartier périphérique de la ville de Butembo, en République démocratique du Congo.

La mise en place d’un réseau d’eau à gestion autonome, quels défis?

La mise en place d’un réseau d’eau à gestion autonome, et la nature du partenariat qu’il implique, représente un défi à plus d’un titre. Il s’agit premièrement de construire un réseau d’eau complet, intégrant des captages, un réservoir et des bornes-fontaines, afin d’alimenter la population du quartier de Musimba. Outre les difficultés techniques, dépassées avec succès par le CAUB, ce type de projet implique aussi de mettre en place une structure de gestion complexe. De fait, ce qui constitue la particularité de ce projet, c’est que ce réseau d’eau est géré directement par la population bénéficiaire, au travers d’une structure locale de gestion qui est choisie par ces mêmes bénéficiaires et qui est tenue de leur rendre des comptes. La population du quartier choisit en son sein des représentants, lesquels vont constituer une assemblée générale. Ces représentants vont, à leur tour, élire un comité de gestion, qui sera  en charge de la gestion journalière du réseau d’eau. On parle donc de réseau d’eau à gestion autonome par la population, car les autorités locales n’interviennent pas, ou très peu, dans son fonctionnement.

Comme toute structure d’approvisionnement en eau potable, les réseaux d’eau à gestion autonome n’échappent pas à la mise en place d’une série de règles de fonctionnement. Parmi celles-ci, la plus importante est celle du paiement pour le service de l’eau. La population s’approvisionne en eau aux bornes-fontaines, en payant pour ce service, à un tarif qui est fixé par l’assemblée générale, c’est-à-dire par les représentants de la population. Cette tarification du service de l’eau permet de couvrir les frais d’entretien du réseau et d’assurer le paiement des fontainiers et des membres de la cellule technique de gestion. Autrement dit, cette cotisation permet d’assurer la pérennité du service de l’eau. Ce concept d’autofinancement du réseau d’eau, qui connaît un succès croissant en RDCongo, est souvent connu sous le terme d’ASUREP, acronyme désignant les associations des usagers de réseau d’eau potable qui sont en charge de la gestion de type ce réseau.

Un modèle idéal, vraiment ?

Le concept d’ASUREP est séduisant, il offre des opportunités importantes en matière de renforcement de la société civile et un intérêt en termes de couverture des besoins fondamentaux des bénéficiaires. Cependant son application concrète sur le terrain ne va pas sans poser de nombreuses difficultés. Le projet d’ASUREP Liseke-Musimba, nom des quartiers où se situent les sources captées et ceux desservis par le réseau, offre une belle illustration de ces difficultés et du succès en demi-teinte que l’on obtient parfois malgré les efforts importants consentis par tous les partenaires du projet. Ainsi, trois ans après le début du projet, le réseau d’eau totalise près de 25 km de tuyauteries, et dessert environ 22.000 personnes grâce à 45 bornes-fontaines. La construction de ces bornes-fontaines a mobilisé une partie importante de la population. Cette dernière a contribué au financement du réseau en fournissant des matériaux de construction et en offrant son appui sous la forme d’une main-d’œuvre nombreuse et dynamique. Cependant, en raison de financements insuffisants, il n’a pas été possible d’équiper le réseau d’un réservoir de stockage de l’eau, tel que cela était prévu initialement. Par conséquent, l’association en charge de la gestion de ce réseau s’est vue contrainte de procéder à des délestages, c’est-à-dire des interruptions régulières du service, ce qui réduit d’une part la qualité du service et diminue d’autre part les recettes de l’association. Pour y remédier, des solutions pour financer la construction d’un réservoir sont à l’étude tant au sein du CAUB que chez UniverSud-Liège. Parmi les solutions envisagées, citons la construction d’un réservoir modulaire ou l’installation d’un réservoir souple, le développement de partenariats publics-privés locaux, ou encore l’obtention de nouveaux financements belges.

Le défi technique se double d’un défi humain !

L’organisation des représentants des bénéficiaires en une structure inspirée de celle des ASBL –choisie pour sa transparence et son intégration dans le droit congolais–  ne fut pas non plus une mince affaire, surtout dans un contexte local marqué par une forte méfiance de la population vis-à-vis de ce type de structure, jugée comme fort exposée à la corruption et au népotisme. Actuellement, les tensions qui ont secoué l’ASUREP sont en voie d’apaisement, et on peut espérer que les prochaines élections sociales, devant conduire à la désignation des nouveaux membres du comité de gestion, seront l’occasion d’un nouveau dynamisme dans la gestion de ce réseau. D’une manière générale, ce concept des ASUREP se heurte aux difficultés inhérentes au développement de la gouvernance locale. Dans un contexte congolais caractérisé par la double empreinte de la gestion verticale, très hiérarchisée, issue de l’époque coloniale puis de l’ère Mobutu, et d’un opportunisme parfois déplacé, résultat d’années de privations et de « débrouille », la construction harmonieuse d’une structure de gestion représentative et transparente ne se fait jamais facilement.

L’ASUREP, un concept fragile mais qui a de l’avenir en RdCongo !

Néanmoins, malgré ces contraintes, l’approche « ASUREP » constitue un levier fondamental pour le développement local en RDCongo, entre autres pour trois raisons majeures. Premièrement, parce  qu’elle envisage la gestion d’une ressource naturelle sous une forme respectueuse de cette ressource, l’ASUREP ayant tout intérêt à protéger ses captages de toute forme de contamination si elle souhaite commercialiser l’eau. Deuxièmement, parce que cette approche soulage fortement le gouvernement central dans sa tâche de répondre aux besoins fondamentaux de la population. Étant donné la croissance rapide de la population congolaise et les faibles moyens financiers de l’État, ce dernier n’est pas en mesure de répondre à tous les besoins. Le développement des réseaux d’eau à gestion autonome par la population permet donc de compenser quelque peu les faiblesses de l’État congolais. Ce dernier a d’ailleurs reconnu explicitement cette situation, au travers de la reconnaissance officielle de l’approche ASUREP dans le nouveau code de l’eau congolais. Troisièmement, L’approche ASUREP est aussi un formidable levier pour le développement local. En effet, si un réseau d’eau est bien géré, il devient rapidement capable de générer des recettes excédentaires, qui peuvent alors être réinvesties localement dans différents types de sous-projets, comme la construction d’une salle de classe, d’un cyber-café, la réfection d’une route ou d’un pont, ou encore l’extension du réseau d’eau, si le débit des captages le permet. Définie ainsi, une ASUREP n’est rien de moins qu’une petite entreprise à finalité sociale, apte à assurer la création d’emplois et à subvenir à certains besoins de base de la population. À Kinshasa, la capitale du pays, où sont nées les premières ASUREP en 2009, des quartiers entiers bénéficient ainsi des retombées économiques de l’exploitation raisonnée et transparente des ressources en eau souterraines, grâce à la gestion dynamique des ASUREP.

Un projet se termine, une nouvelle aventure commence !

Si le projet Liseke-Musimba est officiellement terminé, Il ne fait que commencer à se développer de manière autonome. Pour cela, il a encore besoin d’aide et d’accompagnement. La collaboration entre UniverSud-Liège et le CAUB ne s’arrêtera donc pas complètement. Il reste en effet beaucoup à faire pour que l’ASUREP Liseke-Musimba développe ses compétences et soit en mesure d’assurer la pérennité du service de l’eau. C’est ainsi que le CAUB poursuit son travail de formation des membres du comité de gestion, afin de leur enseigner la maîtrise des outils nécessaires pour assurer une gestion rigoureuse et transparente du réseau d’eau, tel que la comptabilité, le contrôle de la qualité de l’eau, la gestion des facturations, etc. De son côté, UniverSud-Liège continue à rechercher des solutions pour financer la construction d’un réservoir d’eau et reste attentive aux besoins du projet.

Apprendre de ses erreurs, capitaliser sur ses réussites et continuer à progresser…

Nous restons, tant au Nord qu’au Sud, persuadés que l’approche ASUREP mérite que l’on s’y intéresse et nous exprimons le souhait que l’on développe davantage de projets autour de ce concept. Certaines erreurs ne doivent pas être reproduites, bien entendu et, tirant les leçons de notre expérience, il apparaît indispensable dans ce type de projet de renforcer, dès le début, les capacités de gestion et de communication de l’association qui sera en charge du réseau. En outre, il est important d’être vigilant quant aux variations des taux de devises et des impacts de l’augmentation soudaine du prix des matériaux de construction, un phénomène courant en RDCongo. Cependant, ces difficultés ne doivent pas nous freiner dans notre volonté d’appuyer la population congolaise dans l’organisation de son développement et dans notre volonté de fournir à ce pays les moyens de ses ambitions en matière de couverture des besoins fondamentaux.

 

David Cammaerts

Consultant chez UniverSud pour le projet ASUREP Liseke