- Analyses et études
Une analyse de Jennifer BUXANT, étudiante en M2 du master en agroécologie (ULiège/ULB/Université Paris-Saclay)
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N’hésitez pas à contacter son autrice à l’adresse jennifer_buxant@hotmail.com
Crédit image : Illustration sur la paysannerie de Amanda Priebe pour Common Ecologies
« Si tu devais garder cinquante aliments pour les vingt prochaines années, lesquels choisirais-tu? »
Voilà une question intéressante à poser à la population belge qui permettrait de dévoiler la diversité des régimes alimentaires et des préférences individuelles en son sein.
L’origine de notre nourriture est double : ce que l’on produit et ce que l’on importe. D’une part, les espèces et variétés cultivées et la façon de les produire (considérant la période des semis et des récoltes, et les technologies utilisées) vont être impactés par les changements climatiques. Cela pose des défis actuels et futurs qu’il est nécessaire d’affronter. Dans ce contexte, la transition agroécologique propose des manières de produire qui peuvent aider à faire face à ces défis. D’autre part, l’importation et l’exportation de produits alimentaires et les enjeux économiques qui y sont liés lient historiquement les populations de différentes parties du monde entre elles. Par exemple, les pays industrialisés sont dépendants des pays en voie d’industrialisation pour compléter leur offre alimentaire à moindre coût, alors que ces derniers dépendent à leur tour de leurs « clients » pour se doter des moyens économiques nécessaires pour développer leur économie et in fine nourrir leur population. Ces dynamiques d’interdépendance se sont largement développées au XIXème siècle pour l’échelle globale (Davis, 2003). Elles se reflètent aujourd’hui fortement à l’échelle locale, où une partie des citoyen·nes se pose la question de “ comment produire et consommer de manière plus durable ET juste? “ A l’heure où l’accord du Mercosur vient d’être signé par Ursula von der Leyen, en sa qualité de présidente de la Commission européenne, ces questionnements et ces envies de changement sont plus que jamais légitimes.
L’analyse proposée dans cet article réfléchit sur cette question en essayant d’inclure le vécu des populations immigrées à un exercice qu’on pourrait qualifier de démocratie alimentaire. Il suggère des points d’attention à garder à l’esprit et des pistes d’action pour répondre aux enjeux soulevés lorsque l’on pense et construit des « systèmes alimentaires durables » ayant pour ambition d’inclure les populations immigrées.
L’article que vous vous apprêtez à lire souhaite ouvrir des pistes de réflexion pour penser les systèmes alimentaires durables de demain en prenant en compte les enjeux d’inclusion, en particulier le vécu des populations immigrées. Son point de départ est la question suivante : « Comment choisir ce que l’on produit et ce que l’on importe pour une transition alimentaire qui respecte à la fois les limites planétaires et les besoins socio-culturels des populations, tant natives que celles issues de l’immigration[1] ? ».
L’analyse propose des points d’attention et des pistes d’action pour inclure le point de vue de personnes immigrées lorsque l’on s’essaye à penser des systèmes alimentaires durables.
Elle le fait au départ d’un exercice de pensée, car peu de ressources existent encore sur le sujet. Vous comprendrez donc, cher lecteur, chère lectrice, la portée quelque fois exploratoire de cette analyse. Les propos soutenus n’engagent que son autrice.
Notes de l’autrice : Vous remarquerez que certains extraits de l’analyse sont mis au format italique. Ceux-ci visent à distinguer l’avis de l’autrice de propos plus analytiques.
Introduction
« Si tu devais garder cinquante aliments pour les vingt prochaines années, lesquels choisirais-tu ? » Voilà une question intéressante à poser à la population belge qui permettrait de dévoiler la diversité des régimes alimentaires et des préférences individuelles en son sein.
L’origine de notre nourriture est double : ce que l’on produit et ce que l’on importe. D’une part, les espèces et variétés cultivées et la façon de les produire (considérant la période des semis et des récoltes, et les technologies utilisées) vont être impactés par les changements climatiques. Cela pose des défis actuels et futurs qu’il est nécessaire d’affronter. Dans ce contexte, la transition agroécologique propose des manières de produire qui peuvent aider à faire face à ces défis. D’autre part, l’importation et l’exportation de produits alimentaires et les enjeux économiques qui y sont liés lient historiquement les populations de différentes parties du monde entre elles. Par exemple, les pays industrialisés sont dépendants des pays en voie d’industrialisation pour compléter leur offre alimentaire à moindre coût, alors que ces derniers dépendent à leur tour de leurs « clients » pour se doter des moyens économiques nécessaires pour développer leur économie et in fine nourrir leur population.
Ces dynamiques d’interdépendance se sont largement développées au XIXème siècle pour l’échelle globale (Davis, 2003). Elles se reflètent aujourd’hui fortement à l’échelle locale, où une partie des citoyen·nes se pose la question de » comment produire et consommer de manière plus durable ET juste? » A l’heure où l’accord du Mercosur vient d’être signé par Ursula von der Leyen, en sa qualité de présidente de la Commission européenne, ces questionnements et ces envies de changement sont plus que jamais légitimes.
L’analyse proposée se penche sur cette dernière question en essayant d’inclure le vécu des populations immigrées à un exercice qu’on pourrait qualifier de démocratie alimentaire. Elle pose des jalons pour mieux répondre aux défis soulevés lorsque l’on pense et construit des systèmes alimentaires durables et inclusifs, qui, espérons-le, seront ceux de demain !
Avant tout de chose, voici un tour d’horizon pour voir où nous en sommes, en tant que société, dans la mise en place de cet idéal à atteindre.
Alimentation et durabilité : une première reconnaissance en COP
A l’heure où la vingt-huitième Conférence des Parties[2] (COP) – dont la Belgique est membre, s’achève à Dubaï (Emirats Arabes Unis), 159 pays ont signé la « Déclaration sur l’agriculture durable, les systèmes alimentaires résilients et l’action climatique » (COP28 UAE Declaration on Sustainable Agriculture, Resilient Food Systems, and Climate Action, 2023). Le texte montre une certaine entente des pays signataires autour d’une vision commune de l’agriculture et des systèmes alimentaires.
Il s’agit de la première fois de l’histoire des COP que le lien entre climat et alimentation est discuté et que des décisions sont prises en la matière. Sachant que près de 30% des émissions carbones annuelles sont liées au secteur de l’alimentation[3], voire 50% selon d’autres estimations, « il était grand temps » de le faire (Bauck, 2023 ; GRAIN, 2012).
Parmi les positionnements pris par les pays signataires dans cette déclaration, l’un d’eux attire notre attention : « [nous soulignons] le besoin de réaliser progressivement le droit à une alimentation adéquate dans le contexte d’une sécurité alimentaire nationale, ainsi que le besoin d’assurer l’accès à une nourriture saine, suffisante, abordable, nutritive et pour tous·tes ».
Cette version de la déclaration, telle que publiée au moment de la rédaction de cet article, apparaît plutôt imprécise. Qu’est-ce qu’une alimentation « adéquate », « saine », « suffisante » et « nutritive » ? Que signifie le pour « tous et toutes » ? Comment définit-on la sécurité alimentaire à l’échelle nationale ? A l’heure où ces 159 pays de la COP28 enclenchent une réflexion sérieuse sur l’alimentation tant à échelle nationale qu’internationale, il s’agirait de pouvoir se positionner en parallèle tant que société sur ces questions. Ceci implique, dans un souci de démocratie, de pouvoir inclure l’ensemble des populations concernées dans les décisions prises, et ce afin d’assurer des contre-pouvoirs citoyens qui permettraient de garder la main sur notre avenir. Le flou qui caractérise habituellement les déclarations internationales peut être vu ici comme une opportunité, une souplesse, permettant aux différents états et à leur population de s’approprier les termes posés pour décider comment les développer, et donc, dans ce cas, de construire des visions collectives du droit à une alimentation adéquate pour tous·tes.
Dans l’idée d’un exercice de ce droit à une alimentation adéquate pour tous·tes, encore à définir, quelles seraient donc les dimensions incontournables à prendre en compte ?
Ce que l’on peut trouver dans les rayons des supermarchés n’est pas le fruit d’un marché libre et éclairé, où les acteur·ices de la chaîne alimentaire s’accorderaient par magie au gré de leur bien-pensance et de leur bienveillance respective, de sorte à nous fournir les biens alimentaires dont nous avons exactement besoin, et ce, en des quantités adéquates à notre consommation réelle tout en adressant la crise environnementale actuelle.
I. Produire et importer : des choix avant tout politiques
D’un côté, la production alimentaire d’un pays ou d’une région est le résultat combiné de conditions pédoclimatiques[4] et de traditions séculaires. Néanmoins, en raison des conditions environnementales changeant du fait du réchauffement climatique, chaque région devra adapter sa production à ce que la nature nous imposera (Thinkerview & Zaka, 2023). L’agriculture n’est pas dépendante que de conditions naturelles. Le social, le politique, influence ce qui est produit. En effet, on ne peut nier que la production alimentaire dépend largement de choix politiques, que ce soit par des mesures publiques dédiées – on pense à la Politique Agricole Commune de l’Union européenne, ou PAC -, ou par des orientations politiques plus larges, à l’instar de la position de la région wallonne considérant les exportations comme plus que désirables, dans le but d’obtenir une balance commerciale positive (SPW, 2023). On s’interroge alors sur la place des exportations alimentaires dans ces approches, ainsi que sur les considérations éthiques qui y sont liées. Certains exemples parlants démontrent que l’exportation a ses limites : (1) exporter des frites surgelées Lutosa[5] au Pérou alors que ce pays entretient des traditions fortes et séculaires avec la pomme de terre apparaît comme inutile (De Mulenaere, 2020), (2) exporter des chips belges en Corée du Sud alors que nous produisons trop de pommes de terre à l’échelle de la Wallonie interroge sur l’usage que l’on fait des terres nourricières (Wu, 2023), et, enfin, (3) exporter de la poudre de lait au Sénégal – qui déforce la sécurité alimentaire du pays et entraine une concurrence déloyale entre le lait local et son ersatz le lait en poudre importé – comme une troisième absurdité permise par les politiques d’exportation actuelles (Humundi, 2020). Alors, que produit-on ? Pour qui ? Comment ? Et pourquoi?
D’un autre côté, ce que l’on ne sait pas (ou plus[6]) produire, nous devons l’importer. Les questions se posent alors de ce que l’on importe et ce que l’on souhaite privilégier, notamment en allégeant les taxes de douane de certains produits ou encore en passant des accords de libre-échange avec des pays producteurs, tel que le Mercosur cité précédemment.
Sachant que la Belgique est depuis au moins un siècle un pays dont la sécurité alimentaire repose fortement sur les importations[7], l’Etat belge et ses régions (la compétence agricole ayant été régionalisée il y a 20 ans) devraient être habitués à penser la planification à moyen et long terme de l’approvisionnement alimentaire des personnes vivant en Belgique.
Alimentation, choix politiques et balance import-export apparaissent donc difficilement dissociables de notre réflexion, à moins de prouver la potentielle autosuffisance alimentaire de la Belgique[8].
II. Produire et importer : vers plus de durabilité
Importer moins et différemment
Pour un monde écologiquement durable et socialement juste, on pourrait défendre que réduire les importations est une stratégie sur laquelle il faudrait se concentrer, notamment car cela permettrait de réduire la pollution liée au transport. Or, là n’est apparemment pas la question. De fait, les émissions liées à l’importation de nos aliments ne représentent qu’un faible pourcentage de l’empreinte carbone (6%) (Ritchie, 2020). En revanche, la dépendance aux énergies fossiles qui permet de soutenir ce commerce international hyperactif[9] questionne notre résilience. Dans un autre registre, celui des inégalités économiques et sociales, on ne peut ignorer le désavantage global que les populations des pays appauvris retirent de la marchandisation mondiale de certains produits agricoles (on peut citer à nouveau le cas de la poudre de lait). Il serait donc intéressant que ces pays s’émancipent des dominations économiques afin de pouvoir créer des conditions favorables au développement d‘autonomies agricoles régionales, plus résilientes en cas de fluctuation de prix et/ou de réactions en chaîne, telle que l’inflation terrassante dont les produits alimentaires ont fait l’objet depuis la guerre en Ukraine. Bien que l’on pourrait nuancer l’influence qu’a la géopolitique sur l’ampleur de la montée des prix, notamment si l’on constate les monopoles commerciaux dont le secteur agroalimentaire fait l’objet[10].
Réduire les importations, oui. Les stopper ? Difficilement envisageable. Du moins, pas de manière précipitée. Il semble difficile à l’heure actuelle d’imaginer de décider d’arrêter tout échange avec d’autres pays. Ne serait-ce qu’au vu de la dépendance réciproque de pays les uns envers les autres, mentionnées plus haut. De fait, l’Union européenne ne peut pas du jour au lendemain abandonner le soja latino-américain sans risquer de multiples crises dans le secteur de l’élevage qui mettraient à mal des milliers de travailleur·euses (Gérard, 2019), que ce soient nos éleveurs et éleveuses ou ceux et celles d’ailleurs. Il en va de même pour les pays exportateurs en voie d’industrialisation où les choix passés et actuels favorisant l’hyperspécialisation des cultures – typiquement avec le choix pour une ferme de ne produire que du soja – mettent à mal à court terme l’autonomie, la sécurité et la souveraineté alimentaires de leur pays au bénéfice des pays importateurs… Si arrêt il doit y avoir, on imagine qu’il s’agirait soit d’un effort mondial d’ampleur significative, soit le résultat d’une série de crises graves et répétées[11]. Aller à l’encontre d’une tendance au commerce et à l’échange observée tout au long de l’épopée humaine semble être un exercice compliqué voire impossible, mais mesurer ces flux dans une optique d’un monde soutenable, par des partenariats ambitieux et sensés, ne peut être une option à exclure.
Mais dès lors, comment délimiter ces importations « incompressibles », ces importations « minimales » du fait de nos envies et de nos dépendances historiques mutuelles ? Doit-on les prioriser selon le caractère « sain » ou « nutritif » des denrées – pour reprendre les mots de la COP28 en introduction de ce texte – en cherchant par exemple à combler un nombre insuffisant de calories ou de nutriments (protéines, glucides, lipides) ? Doit-on travailler en choisissant les exportateurs sur base de critères de qualité de leur production ou le respect de normes environnementales ou sociales ? Ou bien sur base de la résilience des productions aux crises climatiques ? Nous verrons dans la dernière section de cet article quelques réflexions qui illustrent ce que l’immigration a à nous offrir pour répondre ces questions.
Produire mieux, différemment
Avant d’entrer dans le vif du sujet, reprenons le tableau que dépeint Statbel de l’agriculture en Belgique. Pour rappel, 44% des terres belges sont considérées comme des surfaces agricoles (FIAN, 2022). L’office belge de la statistique dit ceci : « Le paysage agricole belge se segmente entre le nord et le sud du pays. Au nord, les exploitations sont plus spécialisées dans l’élevage, l’horticulture et la culture de pommes de terre (…) » (Statbel & SPF Economie, 2021). Au sud du pays, la densité agricole est moins forte mais les terres agricoles permettent d’accueillir des cultures céréalières et betteravières et de vastes superficies enherbées, essentiellement dédiées à l’élevage bovin. En termes de valeur de production, l’élevage domine l’agriculture belge. Parmi les différentes filières d’élevage, la filière bovine, grâce à la double valorisation viandeuse et laitière, arrive en tête, suivie par la filière porcine. En comparant les valeurs de productions actuelles à celles d’il y a quarante ans, on remarque que ce sont, cependant, les cultures de pommes de terre et de fruits qui ont connu la plus forte croissance au sein de la branche agricole. » (Statbel & SPF Economie, 2021).
Ceci présenté, on comprend que l’élevage occupe une place importante dans la production alimentaire du pays. En effet, 44,1% des exploitations y sont spécialisées bien qu’il existe une tendance à la baisse du nombre de bêtes, causée pour des questions de rentabilité de la viande bovine… (Plus d’un chef d’exploitation agricole sur deux en Belgique est âgé de 55 ans ou plus !, 2023 ; Collège des Producteurs, 2024). « Notre pays n’est devancé sur ce point dans l’Union européenne que par les Pays-Bas (53,1%), l’Autriche (55%), le Grand-Duché de Luxembourg (62,8%) et l’Irlande (88,4%). », rapporte le Sillon Belge dans un article publié en 2023.
Nous pouvons ajouter qu’au vu du nombre de plus en plus restreint d’agriculteur·ices, il n’est pas étonnant que notre agriculture continue sur un modèle conventionnel[12]. En effet, la course aux grandes surfaces encouragées par les subventions de la fameuse PAC et la diminution, voir disparition, des travailleur·euses agricoles (68% des exploitations ont disparu pour une moyenne d’hectares par ferme qui a triplé en 40 ans) favorisent le choix de la monoculture intensive, destructrice des sols et de la biodiversité, et de pratiques agroindustrielles, du moins dans le paradigme économique actuel (Cellule Manger Demain, 2018).
Ce tableau actuel entre quelque peu en dissonance avec le souhait d’une agriculture responsable. En effet, l’agriculture a une responsabilité non négligeable pour la préservation d’un environnement viable pour les générations actuelles et futures : pollution et érosion des sols, utilisation de matériaux polluants, émissions de gaz à effets de serre… Comme le rappellent ainsi Audrey Glass et Noémie Malléjac (2023) : « Le lien entre secteur agricole et limites planétaires est double. (…) Le secteur agricole est donc à la fois le principal responsable du dépassement des limites planétaires, mais également la première victime des conséquences qui en découlent. » Il n’est pas encore clair si ce que l’on cultive aujourd’hui sera cultivable demain.
L’inquiétude est présente chez les agriculteur·ices, conscient·es des impacts du dérèglement climatique sur leurs productions. Une étude commandée par CBC banque[13] à l’IPSOS[14] auprès de producteur·ices wallon·nes rapporte ceci : « Près de 8 agriculteur·ices wallons sur 10 rencontrent des difficultés liées aux changements climatiques et plus de 9 agriculteur·ices wallons sur 10 estiment que ces difficultés se reproduiront dans les années à venir. » (CBC, 2024). Paradoxalement, 3 agriculteur·ices sur 4 estiment que le modèle actuel de production n’a pas d’impact sur le réchauffement climatique, ce qui pose question sur la perception différenciée que peuvent avoir différent·es acteur·ices du monde agricole…
L’optimisme est également présent dans les discours, renforçant une impression d’ambivalence de perception de la problématique agricole. Le journal L’Echo rapporte : « Ce qu’on cultive aujourd’hui, on le cultivera encore demain, les agriculteur·ices sont confiant·es. Et de nouvelles plantes font leur apparition en Wallonie : le tournesol, le maïs grain, le sorgho, le blé dur, le pois chiche ou encore le silphe. Des cultures qui résistent aux températures plus élevées, mais pour lesquelles il faut trouver la variété la plus adaptée au climat wallon actuel. Patience… » (Leroy, 2022). Serge Zaka, agroclimatologue[15] français évoqué plus haut, se montre optimiste quant à la résilience de la production agricole belge en comparaison à d’autres régions qui feront face à des situations climatiques plus extrêmes, notamment celles en voie de désertification (ex : l’Espagne) ou qui subiront des sécheresses de grande ampleur (ex : le sud de la France). Néanmoins, il avertit à raison qu’il est important que cette question du changement climatique soit prise au sérieux dès aujourd’hui car développer des filières (production-transformation-distribution) ne se fait pas en un claquement de doigts et doit être un minimum planifié (Zaka, 2024).
Alors, quelles trajectoires pourraient prendre les filières agricoles au vu de la situation actuelle ? Sachant que les conditions climatiques futures pourront mettre à mal certaines productions, ne devrait-on pas dès maintenant réfléchir sur quoi produire à l’avenir, et comment, ceci afin de construire des systèmes alimentaires durables, résilients et éthiques en Belgique.
Vous remarquerez que la présente réflexion essaye de se frayer un chemin au sein du système capitaliste actuel régissant les échanges mondiaux et les politiques nationales, régionales et internationales… Tout changement de système économique étant souhaitable, mais pas encore à l’ordre du jour actuellement, la présente analyse joue le jeu de ce système « de référence » en utilisant ses systèmes législatifs, politiques et économiques pour penser l’inclusion dans les systèmes alimentaires. Comment pourrait-on dès lors approfondir ces réflexions, en repensant plus en profondeur notre système économique?
Ensuite, et en réponse à ces premiers enjeux et tentatives d’analyse, quelles solutions pourraient naitre si nous prenions aussi le temps d’être curieux et curieuses vis-à-vis des connaissances et savoir-faire des populations immigrées ? Comment ces populations pourraient contribuer au futur de notre système alimentaire belge, tant du côté de la production – si l’on pouvait transformer nos pratiques agricoles, comment choisir que cultiver demain ? – que du côté de l’importation – si l’on pouvait choisir ce que l’on importe, comment diriger nos choix éthiquement ?
Imaginons que l’on arrive à un consensus à l’échelle nationale, régionale et internationale sur la nécessité d’opter pour une gestion durable des exportations-importations et de la production agricole. Soyons encore plus fous d’imagination en pensant qu’un processus démocratique inclusif régisse les actions à entreprendre pour mettre en œuvre cette gestion. De nombreuses idées peuvent émerger de cet exercice de pensée si la question de l’inclusion du public des personnes immigrées est prise à bras-le-corps, et croisée aux enjeux de transition alimentaire.
III. Produire et importer : la diversité culturelle comme opportunité ?
Ce qui suit a pour but non seulement de souligner l’importance de ne pas omettre le public immigré des réflexions sur nos systèmes alimentaires durables, mais aussi de souligner la richesse des apprentissages que nous pourrions retirer de l’échange avec ces femmes et hommes.
Voici quelques questions pour vous inviter à ouvrir les yeux sur nos pratiques alimentaires immigrées et métissées, avant de nous plonger dans ce sujet passionnant :
- Quelles sont les habitudes culinaires et d’achat de denrées alimentaires des populations immigrées ?
- Quelle est la part d’alimentation importée consommée par les belges? Ceux-ci la considèrent-elle même comme tel (importée) ? (exemple : le chocolat)
- Quelles sont les denrées considérées comme essentielles tant pour les personnes natives qu’immigrées ? Comment confronter ce que chacun·e qualifie d’essentiel ?
- Comment garder un contrôle sur la qualité de la production des denrées que nous importons, en nous émancipant de logiques de dominations économiques et post-coloniales ?
- Au vu des flux migratoires actuels et futurs, à quel genre de transformation pouvons-nous nous attendre ?
Piqûre de rappel sur l’état actuel et le futur de la migration
Des années 1960 aux années 2010, les migrations internationales n’ont cessé d’augmenter fortement, et ce, de plus en plus vite chaque année (Hien Dao et al., 2018). En 2020, il est estimé que 281 millions de personnes, soit une personne sur 30, ne vivaient pas dans leur pays d’origine (McAuliffe & Trianadafyllidou, 2022). Les modèles de prédiction démographique semblent confirmer le maintien de cette tendance pour les décennies suivantes, dont les causes principales sont les déséquilibres démographiques, les inégalités économiques, la mondialisation accrue, l’instabilité politique et les changements climatiques (Hien Dao et al., 2018).
Quant aux migrations internes, soit les personnes migrant au sein d’un même pays, elles ne sont pas en reste. On estimait à 740 millions de personnes ayant fait l’objet d’une telle migration en 2009 (McAuliffe & Trianadafyllidou, 2022). Ce type de migration est le plus sensible au facteur climatique, a reconnu les Nations unies en 2018.
Il est intéressant de souligner, que ce soit pour des migrations internes ou internationales, que l’étude d’un statut juridique de « migrant climatique » est en cours de construction dans différents pays et à l’échelle internationale (Climat.be, 2019).
Cet état des lieux de la migration laisse à penser que la portion de population immigrée ne va cesser d’augmenter dans les pays du monde, notamment du fait que les facteurs de la migration ne vont cesser de se renforcer dans les décennies à venir, pour rappel : les déséquilibres démographiques, les inégalités économiques, la mondialisation accrue, l’instabilité politique et les changements climatiques.
Nous pouvons donc sans doute nous attendre à une société future de l’”hyper-métissage”, une société aux assiettes hétérogènes, composées au carrefour de différentes identités et cultures en mutation constante.
Vers une migration culinaire et alimentaire
Il y aura donc plus de diversité parmi les mangeurs et les mangeuses des pays accueillants. On pourrait dire que l’on sera plus nombreux à manger, mais, au vu des tendances démographiques actuelles des pays européens qui tendent vers une stagnation de la population d’ici 2050, il ne serait pas correct de situer la problématique à ce niveau, un problème d’excédent d’individus (Adveev et al., 2011). Cette analyse défend que notre regard doit davantage être porté sur la considération que les pratiques alimentaires vont être probablement encore plus diverses qu’aujourd’hui, avec des produits plus variés (légumes, féculents, épices…) puisque l’on sait que des « migrations culinaires et alimentaires » accompagnent les mouvements de population.
Mais, à nouveau, qui mangera quoi ? Et ce, d’autant plus si les problèmes climatiques à venir vont nous amener à opter pour une alimentation différente, de gré ou de force. Cette question semble importante du fait qu’on ne puisse ignorer l’ancrage local de pratiques alimentaires « importées » et déjà métissées avec celles des pays d’accueil.
Des pratiques alimentaires entretenues et métissées : une réalité qu’on ne peut ignorer
La « migration culinaire et alimentaire », formulation proposée dans ce texte, s’opère au sein des foyers, par un maintien des habitudes liées à l’alimentation par les familles à titre privé, mais pas seulement. « Pour l’immigré, les métiers de l’alimentation constituent souvent une première ressource pour assurer sa survie dans le lieu où il vient d’arriver. Des activités comme la distribution de denrées de base offrent un accès rapide à un travail rémunéré. », nombreux sont donc les établissements de restauration rapide et restaurants dits « du monde » (cuisine indienne, italienne, chinoise, grecque, …) et même traditionnels participant à matérialiser cette migration des aliments en proposant leur cuisine au pays d’accueil (Barou, 2010).
Le projet Diaspora en action, mené par Eclosio en Belgique, en échange avec la diaspora sénégalaise, a notamment mis en lumière cette réalité. Dans « Tekki »[16], une fiction co-écrite par des membres du secteur associatif sénégalais, on retrouve un personnage nommé Sélim, qui ne pouvant pas exercer comme professeur, se retrouve à travailler dans l’horeca à Matonge, secteur visiblement plus facile d’accès quand on n’a pas les moyens d’obtenir des équivalences de diplôme. Un autre témoignage anonyme d’un sénégalais non-documenté interrogé par Eclosio a aussi révélé l’horeca comme moyen de subsistance informelle : sans accès au travail légal, ce jeune homme cuisinait et livrait des plats sénégalais à vélo au sein de son réseau social, en faisant appel à la solidarité communautaire.
L’activité commerciale sous forme d’épiceries ou de supermarchés plus ou moins spécialisés dans la vente de produits « exotiques[17] » contribue également à ce que les populations immigrées transmettent leur culture alimentaire, tenant des magasins explicitement labellisés comme asiatique, africain et autres.
On pourrait ajouter à cela que les populations métissent leurs pratiques culinaires avec le temps, ce que certains appellent des pratiques alimentaires transnationales, une construction active de leurs pratiques alimentaires allant puiser dans leurs traditions, celles du pays d’accueil voire de celles d’autres communautés migrantes (Cardon et al., 2023). Les échanges et partages de pratiques entre personnes immigrées et natives s’observent tant à l’extérieur (restaurant, événements culturels, établissements scolaires, …) qu’à l’intérieur des foyers (demande des enfants, repas partagés, …) (Bouly de Lesdain, 2002 ; Morin, 2018 ; Osei-Kwasi, 2020). Les travaux de Silhouette-Dercourt illustrent ce métissage : « [ce] sont des lieux de création, où migrants et descendants de migrants nourrissent, renouvellent, élargissent les codes et les pratiques de consommation nationaux ». Les rayons de supermarchés traditionnels et leur rayon « Saveurs du monde » semblent faire écho à ce métissage des pratiques, permettant d’avoir à portée de mains des produits japonais, chinois, espagnols, italiens, américains… Le journaliste Mustapha Harzoune illustre également ce métissage par cet exemple sur l’arrivée du couscous royal France : « Le couscous était déjà sur les tables des cafés kabyles dans les années 1920. Sa notoriété viendra avec l’arrivée des rapatriés en 1962. Si traditionnellement il se décline à toutes les sauces, il devient « royal » et affublé d’une merguez dans sa version hexagonale et commerciale. »
De plus en plus de travaux de recherche sont réalisés sur ces questions liant migration et alimentation, tant en Belgique qu’ailleurs, bien que ce domaine ne semble pas avoir atteint une maturité suffisante (Barou, 2010). Virginie Silhouette-Dercourt a par exemple étudié les « quartiers de consommation exotiques » qui peuvent émerger suite à l’arrivée de populations immigrées. Elle analyse notamment le développement d’épiceries « africaines » dans les quartiers de Château-Rouge et Château d’Eau de Paris comme une réponse « aux besoins d’une population immigrée croissante ». Cette notion de « besoin » est intéressante. Nous allons l’aborder plus en profondeur plus loin. On peut également citer les travaux d’Essomba et al. qui ont étudié l’effet de la migration sur les pratiques alimentaires de migrants intra-frontaliers au Cameroun : « Les migrants s’affirment et affirment leur culture d‘appartenance à travers la cuisine et le repas partagé, parce que les plats traditionnels sont perçus comme une “nourriture de l’âme”. (…) l’héritage culinaire est soumis à l’épreuve de la diversification culturelle et de l’ouverture à la mobilité. Dès lors, on comprend pourquoi les pratiques culinaires se transmettent de moins en moins chez les migrants, comme l’ont aussi observé Poulain et Corbeau dans le cadre d’études similaires en Europe. ».
Ces phénomènes de migration des pratiques culinaires (par contacts, transferts ou confrontations) au sein des foyers et des tissus socio-économiques sont sans doute aussi vieux que les migrations elles-mêmes… (Cardon et al., 2023) Il est aussi intéressant de mentionner des vecteurs modernes de diffusion de ces pratiques permettant la découverte et la reproduction des mets, on pensera notamment aux émissions de télévision et aux contenus partagés sur les réseaux sociaux.
Des pratiques alimentaires contribuant à l’équilibre des individus
Cette continuité des pratiques du pays d’origine au pays d’immigration n’est pas anodine. A une époque, le mal du pays était bien considéré comme une maladie… (Jovicic, 2016). Conçoit-on assez l’importance de l’alimentation pour les personnes immigrées depuis une ou plusieurs générations, dont le bien-être et l’identité passent par une reconnexion culturelle au départ de leur assiette ?
En effet, de manière générale, l’alimentation n’est pas anodine dans la construction des dimensions de notre identité – appartenance nationale ou ethnique, classe, genre ou encore âge (Cardon et al., 2023). Des conditions de vie difficiles liées à un changement de pays de résidence peut la rendre essentielle :
« (…) l’alimentation est souvent au cœur de leur vie. (…) On se rend compte que la nourriture est centrale pour la construction de la famille et la construction d’un chez-soi » (Morin, 2018).
À travers les repas partagés, de nouveaux souvenirs se créent, de nouveaux liens se tissent et des racines se ravivent… En même temps, la nourriture a un effet réconfortant, où plaisir et nostalgie se mêlent (Calderon-Bony, 2012 ; Fehling, 2023). Selon l’anthropologue Jacques Barou elle peut être (1) un facteur d’inclusion dans les communautés ethniques de la diaspora, (2) un facteur d’exclusion face à la xénophobie de la population locale face aux odeurs des nouveaux condiments par exemple, ou encore (3) un facteur d’intégration. La restauration est un bon exemple de « voie de réussite sociale » pour de nombreux·ses migrant·es (Calderon-Bony, 2012), comme évoqué plus haut.
Nous pouvons nuancer ces éléments en rappelant que le métissage s’accompagne au fil du temps d’un oubli transgénérationnel des pratiques culinaires d’origine, qui, on peut le supposer, atténuera la demande de certains produits dans le temps (Durand, 2015). A contrario, on peut imaginer qu’une société plus ouverte et inclusive amènerait à un perpétuel cumul des nouveaux mets entrant en son sein…
Les dynamiques d’apparition, de disparition et d’évolution des pratiques culinaires à travers le temps apparaissent comme des phénomènes complexes qui mériterait une étude approfondie, ce n’est néanmoins pas l’objet de cette analyse. Qu’importe ces dynamiques, l’important ici pour moi est de se concentrer sur comment accueillir et respecter ces nouvelles pratiques, tout en respectant aussi ce que l’environnement peut pourvoir et supporter avec nos activités humaines[18].
Penser la durabilité des systèmes en incluant les métissages alimentaires
Ces réalités doivent être prises en compte pour penser nos systèmes actuels et futurs. Un premier écueil à éviter serait l’adoption (involontaire) d’une vision assimilatrice[19] de l’immigration à travers nos choix alimentaires, par exemple en décidant d’interdire des importations de tel ou tel produits jugés « non nécessaires » dans un contexte de crise climatique. Il sera important de s’accorder sur « qui » détermine ce « non nécessaire » pour que « ce qui est importé et produit » soit représentatif des besoins réels de tous·tes les citoyen·nes en contexte de crise. En prenant en compte aussi que l’interdit d’une denrée alimentaire aura sans doute le double effet de créer un sentiment d‘exclusion chez le public qui la consommait initialement, ou bien de renforcer son attractivité et donc sa vente pas d’autres réseaux commerciaux plus clandestins.
A l’heure où près d’une personne sur cinq est belge d’origine étrangère, ces questions ne peuvent être mises de côté (Statbel, 2024). Comment limiter les importations de tilapia ou de cardamone ? Pour des raisons de production excédentaire d’émissions de CO2, peut-on augmenter les taxes d’importation sur des épices ? Est-ce même souhaitable ?
Notons que même les épiceries engagées en circuit-court continue à vendre des bananes importées (souvent du Pérou), parfois même à perte, car elles sont un véritable produit d’appel pour le ou la belge qui ne semble pas prêt·e à abandonner ce produit d’importation bien assimilé à son régime alimentaire.
Dans un souci d’aller vers un vivre-ensemble souhaitable, tout·e mangeur·euse doit avoir droit au chapitre. Ce sujet si intime qu’est la nourriture ne doit en aucun cas devenir un facteur d’exclusion.
Apprendre des autres pour penser l’alimentation de demain : richesse des savoirs et des pratiques
« Avec le changement climatique il y a un besoin d’autres savoir-faire, et ceux des personnes migrantes adaptés à d’autres climats sont une richesse pour le pays d’arrivée. »
Idriss Yousif Abdalla Abaker, co-fondateur de l’association française A4 (Association d’Accueil en Agriculture et en Artisanat)
Qu’impliquerait une volonté d’assimilation des habitudes culinaires des personnes immigrées ou une omission de ce que peut apporter leurs pratiques agricoles à nos sociétés ? L’avis de cette analyse est que, dans les deux cas, nous aurions beaucoup à perdre de les ignorer, que ce soit volontairement ou involontairement.
D’une part, les connaissances apportées par la migration peuvent nous inspirer sur le « que produire? », nous mettre sur la piste d’aliments que nous pourrions non seulement apprécier sur les plans gustatif et nutritif mais aussi pour leur compatibilité avec les conditions climatiques actuelles ou futures, représentant un enjeu majeur pour le XXIème siècle.
Il est intéressant de constater que l’intégration des sujets « climat » et « immigration », à travers le thème de l’alimentation, se pratique de plus en plus au niveau associatif et au-delà. La FAO a par exemple décrété l’année 2023 « l’année internationale des mils » pour porter l’attention des politiques et du grand public sur le potentiel de cette famille de céréales (aux espèces consommées relativement connues, comme le sorgho, le fonio, le teff, le millet, …) comme denrée à produire et consommer en contexte climatique instable et changeant (FAO, 2023a). Ces dernières années, le festival Nourrir l’Humanité organisé en dans plusieurs villes de la Fédération Wallonie-Bruxelles[20] se fait le théâtre de l’intrication récente de ces différentes thématiques. Nourrir Liège a par exemple organisé une activité de dégustation et de sensibilisation pour porter la double question de la migration et du réchauffement climatique (FAO, 2023b). En 2024, au programme du festival Nourrir Bruxelles, une série d’ateliers « cuisine-discussion » avait précisément pour défi de traiter les questions d’alimentation, de climat et d’immigration (Alimentation, climat : un lien avec les diasporas?, s.d.).
La même année, l’événement « les Tables Paysannes[21] », organisé par Eclosio, La Ceinture Aliment-terre Liegeoise et le collectif Pot’ingé, sous la triple coupole des festivals Nourrir Liège, Nourrir les Campus et Rêve Général[22], posait explicitement la question que l’on se pose dans cette analyse : « Quel rapport as-tu avec ton assiette ? Comment valoriser les personnes qui sont au cœur de notre alimentation ? Quelle est l’agriculture d’aujourd’hui et de demain ? ». L’événement étant organisé comme un World café, une des tables de discussion où les invité·es étaient amené·es à discuter portait justement la question de l’inclusion : « Pallier aux inégalités entre consommateurs et entre producteurs avec l’intervention des pouvoirs publics ». Quelques mois plus tard, à Seraing, cette formule est renouvelée, mais déjà on sent un glissement sur les thématiques, et une volonté d’amener un regard plus interculturel.
“Cinq tables thématiques de discussion étaient proposées. La première sur l’alimentation et la migration était animée par Elsa Mescoli, anthropologue des migrations à l’université de Liège. L’objectif était de savoir si une éventuelle Sécurité Sociale de l’Alimentation (SSA)[23] pourrait prendre en compte les différences socioculturelles et intégrer les personnes les plus exclues de la société, à savoir les sans-papiers. »
Le constat de cette rencontre est que le public présent n’est pas encore celui concerné par les thématiques, mais les organisateur·ices en sont conscient·es. Il faudra encore du temps pour développer une formule d’activité démocratie alimentaire qui soit attractive pour un public multiculturel.
En début de cette analyse je vous invitais à imaginer que l’on arrive à un consensus à l’échelle nationale, régionale et internationale sur la nécessité d’opter pour une gestion durable des exportations-importations et de la production agricole. Et qu’un processus démocratique inclusif pourrait régir les actions à entreprendre pour mettre en œuvre cette gestion. Ici dans le cadre des tables paysannes sérésiennes, cette table sur l’inclusion autour d’un système de Sécurité Sociale de l’Alimentation pourrait être considérée comme une sorte d’embryon de ce futur désirable ! Et oui la SSA étant un projet visant l’accès à une “alimentation durable et de qualité pour toutes et tous”, comme on accède aux soins de santé en Belgique, réalité qui semble maintenant acquise mais qu’il était toutefois difficile d’imaginer à une autre époque ! Continuons à rêver donc, que cette SSA prenne forme de la manière la plus inclusive qui soit, et que la créativité locale et citoyenne permette d’’imaginer des solutions innovantes pour croiser alimentation, durabilité et inclusion !
Notons que d‘autres associations abordent conjointement les sujets de l’immigration et de « l’alimentation durable » comme le collectif « Cuisine métissée », qui agit à Liège (Action Vivre Ensemble, 2018), ou l’ASBL bruxelloise « Rencontre des continents » (Rencontre des Continents, s.d.), il est important de souligner que le monde associatif regorge d’expérimentations inspirantes !
D’autre part, nous avons également à apprendre du « comment produire? », que ce soit pour les denrées (animales ou végétales) endémiques ou introduites. De fait, les personnes immigrées, qu’elles soient issues de communautés urbaines ou rurales, pourraient être source d’apprentissages et d’échanges bénéfiques. En ce qui concerne les urbain·es plus ou moins récemment installé·es en ville dans leur pays d’origine, on pourrait s’intéresser aux souvenirs des savoirs et pratiques détenus par les agriculteur·ices des membres de leur famille et leurs communautés, que ce soit sur leur expérience actuelle ou celle de leurs ancêtres. Idriss Abdalla Abaker, cité en ouverture de ce chapitre, interviewé par le journal de l’organisation belge d’éducation permanente « Cultures et Démocratie », peut nous éclairer de son expérience :
« Beaucoup de gens qui arrivent ici savent travailler la terre. Moi-même j’étais agriculteur au pays, et ma famille aussi. La plupart des Africain·es que j’ai rencontré·es ont au moins des connaissances rudimentaires en agriculture : chez nous, l’agriculture, ce n’est pas tant un métier qu’un savoir de base. Mais pour une personne exilée qui arrive ici, même avec un titre de séjour, l’accès à la terre reste difficile. Le plus souvent, elle est embauchée pour un travail répétitif comme la récolte ou la cueillette, mais on ne lui propose pas d’apprendre. Pourtant, avec le changement climatique dont on voit déjà les impacts ici, il y a de quoi faire. Les paysans et les paysannes sont en galère aujourd’hui à cause du climat : la terre commence à donner moins. On parle de baisse de production de jusqu’à 30%. Et nous, on sait par exemple que certains légumes de chez nous pourraient être cultivés ici. Au pays ça commence à être problématique parce que l’eau manque, mais ici ça pourrait pousser. Il faut imaginer des échanges entre différents types d’agriculture qui soient un peu ouverts et ne pas rester sur le discours : « Moi je suis agriculteur·ice, j’ai fait des études, je sais faire et je vais te montrer. » Il existe des savoir-faire différents qui peuvent aider les agriculteur·ices d’ici. Même chose dans l’artisanat. Notre four à pain mobile a été construit par un artisan soudanais qui en a construit plus de deux cents en France. »
(Abdalla Abaker, 2024)
Concernant les populations immigrées plutôt d’origine rurale, soyons prudents à ne pas créer une image romantique de la personne immigrée dotée d’une myriade de savoir-faire agricoles. La réalité est sans doute moins caricaturale au vu de l’impact du parcours migratoire et des différentes trajectoires. Des solutions à ce manque de connaissances seront abordées dans le dernier chapitre de cette analyse.
IV. Pistes de solution et d’action
Au vu des problématiques relevées et des questions soulevées tout au long de cette analyse, il est peut-être temps d’aborder des pistes d’action afin d’encourager une meilleure inclusion des personnes immigrées dans la construction de nos futurs systèmes alimentaires.
Acquérir des connaissances des savoirs agricoles – approches socio-anthropologiques
Un premier levier d’action serait le développement des connaissances sur ces questions d’immigration et de savoirs agricoles. Il s’agirait d’aller à la rencontre de ces femmes et de ces hommes pour comprendre ce qu’ils et elles ont à nous apprendre – qu’ils ou elles habitent ou travaillent à la campagne ou en ville, qu’ils ou elles soient immigré·es de milieux urbains ou ruraux, et ce depuis une ou plusieurs générations.
De nombreuses études ont été réalisées sur la situation des ouvriers agricoles saisonniers, dont nous dépendons d’ailleurs de plus en plus, mais il est presque impossible de trouver des éléments de connaissance sur leurs savoirs (Chouin, 2020 ; Filhol, 2013 ; Michalon & Weber, 2022 ; Roux, 2006).
Il serait souhaitable que la recherche investigue cette question des compétences agricoles des personnes immigrées, en particulier par des approches socio-anthropologiques, bien que cela puisse représenter un réel défi d’aller à la rencontre de ces publics et d’explorer leur passé quelque fois bien douloureux (Castagnone & Termine, 2018).
Voici quelques pistes de questions de recherche à explorer : Quels types de savoirs détiennent-ils, détiennent-elles ? Comment ces savoirs sont-ils mobilisés dans leur vie quotidienne ? Comment ont évolué leurs savoirs au fil de leur parcours migratoire ? Comment ces savoirs circulent ? Comment interagissent-ils avec les pratiques agricoles du pays d’arrivée ? Comment pourraient-ils bénéficier à l’agriculture locale du pays en question ? Un genre de « traque à l’innovation » revisitée auprès d’acteur·ices qui ne sont pas agriculteur·ices mais détiennent potentiellement des savoirs très utiles (Salembier et al., 2021).
Développer l’expérimentation et l’implémentation de solutions – approches agronomiques
Des espaces d’échange et de co-construction devraient voir le jour pour que ces savoirs circulent et s’hybrident avec la connaissance agronomique des pays tempérés afin de pouvoir trouver des solutions aux enjeux de production alimentaire du siècle, menacée en l’état par les conséquences du changement climatique.
Des projets de recherche-action mêlant plusieurs disciplines (agronomiques et sciences sociales) pourraient être le berceau d’une hybridation plus que souhaitable des savoirs. Ils pourraient se concentrer sur le « que » et sur le « comment » produire. Au vu de la proportion élevée des populations immigrées et du nombre d’organismes œuvrant avec/pour elles en Belgique, il semblerait que la réalisation de ce type d’étude soit loin d’être inenvisageable avec des partenariats pertinents avec des organismes de terrain (voir point suivant).
La question de l’éthique derrière la mise en œuvre des recherches, de même que la restitution et la circulation des résultats de ces recherches devra impérativement être traitée, afin de ne pas léser le public immigré dans les processus entrepris, comme c’est le cas[24].
Soutenir les réseaux et associations existants qui appuie la recherche et l’expérimentation
Que ce soit pour des partenariats de recherche ou un accompagnement sur la création des projets de recherche (méthodologie, questions éthiques, trouver des publics), la société civile et son tissu de bénévoles, d’associations et d’ONG doit être considérée comme un partenaire de choix pour creuser ce triptyque alimentation-immigration-durabilité. La Belgique est riche de son histoire associative et il est fort à parier que de nombreuses organisations peuvent apporter un éclairage intéressant sur ces sujets.
L’association française A4[25], évoquée plus haut dans cette analyse, n’a pas attendu que la recherche vienne à elle pour expérimenter :
« Il existe des savoir-faire différents qui peuvent aider les agriculteur·ices d’ici. Même chose dans l’artisanat. Notre four à pain mobile a été construit par un artisan soudanais qui en a construit plus de deux cents en France.
Ça se traduit aussi par des cultures qu’on expérimente. À Lannion on a essayé de faire monter des graines issues de la coopérative agricole de Somankidi Coura, cofondée par Bouba Touré au Mali [en 1977] qui a vécu en France où il a eu une expérience comme la nôtre, et on expérimente la culture du millet. Je cultive aussi un peu de plantes médicinales, certaines locales et d’autres moins, comme le gingembre ou les arachides… » (Abdalla Abaker, 2024)
Un travail de prospective devra être réalisé pour trouver les associations pertinentes avec lesquelles travailler en fonction de la recherche à mener.
Réfléchir les enjeux de représentation
Il serait également intéressant d’identifier les instances de réflexion et de prise de décision où des groupes de conseil sur la question de prise en compte de l’expérience et des besoins des personnes immigrées pourraient prendre part aux processus d’élaboration de projets de recherche, de groupes de travail ou de création de comités consultatifs et/ou d’experts. Le mieux serait néanmoins que le public concerné intègre directement ces instances.
A Liège, territoire où la démocratie alimentaire s’expérimente avec dynamisme, il serait intéressant d’examiner si le principe d’équité sociale[26] du Conseil Politique Alimentaire de Liège Métropole[27] arrive à s’appliquer lors des nombreuses consultations publiques et dynamiques de participation mises en place. Il serait intéressant d’identifier comment des populations immigrées perçoivent la vision d’une agriculture durable telle que proposée par ce genre d’instance. L’expérience d’acteurs de terrain[28] au contact de ces acteur·ices devrait aider à apporter de la lumière sur les enjeux d’inclusion, que ce soit pour revoir les mécanismes de participation – en identifiant des freins et leviers à la participation – ou pour être intégrés dans ces instances de gouvernance.
Sur un pas de temps plus long, il serait souhaitable qu’une veille à l’inclusion soit maintenue pour toute création d’instance visant à agir sur la question de l’alimentation et de la durabilité : pourquoi pas lors de la création d’un « observatoire moral et éthique de l’import-export » ?
Conclusion
L’alimentation est de plus en plus reconnue comme un levier d’action pour façonner des sociétés plus durables. Derrière ce que l’on mange, des inégalités se dessinent à de nombreux niveaux et permettent d’illustrer le rapport que nous, humains, entretenons avec nos pairs ou les non-humains. Les dérèglements climatiques nous amèneront à devoir effectuer des choix, que ce soit sur ce que l’on décide de produire ou d’importer pour compléter ce qu’on ne peut. Il nous faut espérer que ces choix se réaliseront de manière démocratique, au vu de respecter les besoins de l’ensemble de la population.
Cette analyse permet de poser les jalons pour trouver ces solutions en intégrant de manière générale les populations concernées qui doivent décider d’elles-même dans une idée d’exercice de son droit à l’alimentation et son pouvoir de démocratie alimentaire. Elle permet de souligner plusieurs choses : (1) l’importance de ne pas délaisser le vécu des personnes immigrées dans nos réflexions sur les systèmes alimentaires durables, (2) on aurait beaucoup à gagner à s’enrichir de leurs expériences afin de nourrir nos réflexions, (3) de véritables trous de connaissances existent sur ce triptyque alimentation-durabilité-immigration, qu’il serait intéressant d’investiguer à travers des recherches interdisciplinaires menées avec des acteurs de terrain et, (4) la représentativité des publics immigrés, qu’elle soit directe ou indirecte, au sein de tout organisme traitant de questions d’alimentation durable doit être pensée dans un soucis d’inclusivité.
Répondre à cette interrogation initiale « Comment réfléchir sur nos productions et importations tout en respectant les besoins des populations immigrées et les limites planétaires ? » s’est avéré complexe, résultant sur une absence de réponse unique et définitive. Néanmoins, trouver une réponse ne pourra qu’être réalisé en faisant le choix de l’inclusion des personnes concernées et de leurs savoirs dans l’élaboration de notre avenir alimentaire.
Notes :
[1] L’expression « population immigrées » inclut les primo-arrivant·es et les populations issues de l’immigration, présentes depuis plus longtemps sur le territoire.
[2] Organe principal visant à mettre en application la CCNUCC (convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques), texte signé et ratifié par plus de 190 pays.
[3] On entend les émissions liées à la production d’aliments, à leur transformation et à leur distribution.
[4] « pédo-» est un préfixe signifiant « sol ». Les conditions pédoclimatiques sont l’ensemble des caractères du climat local et des caractères des sols d’une exploitation ou d’une parcelle (type de sol, plus ou moins argileux,…), servant de cadre à la production agricole (Baize, 2004).
[5] Lutosa est une entreprise belge spécialisée dans la transformation industrielle de pommes de terre (frites surgelées, purée…). Ils ont deux sites de production : un à Leuze-en-Haînaut (province du Haînaut) et un autre à Vive-Saint-Eloi (province de la Flandre Occidentale). La société appartient aujourd’hui au groupe canadien McCain, mais le siège social se situe toujours en Belgique.
[6] Rappelons que le dérèglement climatique va bouleverser nos habitudes de production. En effet, chaque plante a besoin d’un environnement particulier pour pousser (température, disponibilité en eau et en nutriments) et son rendement dépend également de ces conditions. Aujourd’hui, c’est le rendement qui conditionne si on continue ou non de produire telle ou telle espèces (blé ? maïs ? épeautre ?), de même pour les variétés d’une même espèce (blé dur ? blé tendre ?).
[7] Déjà en 1939, un agronome de l’Université Catholique de Louvain rapportait que la moitié des calories consommées en Belgique étaient importées (Baudhuin, 1939).
[8] Question sur laquelle l’ASBL Terre-en-Vue se penche avec d’autres acteur·ices du mouvement paysan belge (https://terre-en-vue.be/).
[9] Une idée de grandeur peut être trouvée sur les sites MarineTraffic.com et FlightRadar24.com, même si l’on ne peut distinguer les navires et les vols commerciaux des autres utilités.
[10] Lire à ce propos la tribune de l’économiste Xavier Dupret « Aujourd’hui, cinq entreprises – ADM, Bunge, Cofco, Cargill et Louis Dreyfus Company – dominent la quasi-totalité de l’approvisionnement alimentaire dans le monde » : https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/07/22/aujourd-hui-cinq-entreprises-adm-bunge-cofco-cargill-et-louis-dreyfus-company-dominent-la-quasi-totalite-de-l-approvisionnement-alimentaire-dans-le-monde_6255170_3232.html
[11] Telles qu’évoquées par les penseurs Raphaël Stevens et Pablo Servigne et sur lesquelles ils essayent d’alerter, lire « Comment tout peut s’effondrer, petit manuel de collapsologie à destination des générations présentes », éditions du Seuil, publié en 2015.
[12] L’agriculture dite « conventionnelle » est le modèle agricole dominant des pays industrialisés, produit de l’intégration de diverses révolutions technologiques au secteur agricole (génétique – variétés plus efficientes, chimique – élimination radicale des « ravageurs » et des « mauvaises herbes » pour donner des conditions optimales de croissance aux plantes, mécanique – tracteurs et outils plus puissants). Ce type d’agriculture permet de produire plus de nourriture (plus et sur de plus grandes surfaces) à bas prix par unité de travail. On oppose en général ce modèle à l’agriculture dite « paysanne » où d’autres principes de production sont d’application : autonomie, artisanat, bien-être,… Lire à ce propos le rapport d’Oxfam « L’agriculture paysanne peut nourrir le monde et refroidir la planète » et le livre du sociologue agraire Douwe van der Ploeg « Les Paysans du XXIème siècle ».
[13] La filiale francophone de la banque flamande KBC, CBC banque, a organisé en 2023 son cinquième « Observatoire agricole », soit une enquête thématique (cette année, le réchauffement climatique) visant à sonder les agriculteur·ices sur leur secteur.
[14] L’IPSOS est une entreprise de sondage française de bonne renommée.
[15] Chercheur étudiant l’influence du climat sur la production agricole. Serge Zaka s’intéresse plus précisément aux impacts de l’évolution du climat sur la rentabilité des cultures.
[16] Tekki, une œuvre d‘éducation permanente qui porte un regard collectif sur différentes réalités des parcours migratoires entre Europe et Sénégal – 2021 – https://www.youtube.com/watch?v=K8k_vL5kcKM
[17] C’est-à-dire « à la fois autre et désirable » (Cardon et al., 2023)
[18] La théorie du donut se cache discrètement derrière cette phrase. Cette théorie situe ce qui est souhaitable pour notre humanité entre un plafond écologique (les « limites planétaires ») à ne pas dépasser et un plancher social sous lequel on ne peut pas faire du concession (pouvant être illustre par l’idée des 17 objectifs du développement durable de l’ONU).
[19] Reposant sur la logique de l’intégration, remise maintes fois en cause dans sa dimension unilatérale, tant la diversité est porteuse de richesses économique et culturelle.
[20] Il existe une pléthore de festivals « Nourrir » en Belgique organisés chaque année. Ils sont rassemblés sous un mouvement nommé « Nourrir l’humanité, les festivals de la transition alimentaire » en hommage à une pièce de théâtre quasi-éponyme « Nourrir l’humanité, c’est un métier » (par la compagnie Adoc), connue pour avoir porté la question de la détresse agricole auprès du grand public. Consulter : https://nourrir-humanite.org/
[21] Rencontre proposée par l’ONG Eclosio, la CATL (Ceinture Aliment-Terre Liégeoise), le MAP (Mouvement d’Action Paysanne) et le Pot’Ingé
[22] Festival ayant pour ambition de mélanger « l’art, la science et la démocratie » (https://revegeneral.be/)
[23] Voir l’étude 2024 de la CATL : La Sécurité Sociale de l’Alimentation. Origines, enjeux et perspectives,
2024, disponible sur : https://www.catl.be/la-catl/publications/
[24] Voir à ce propos les débats autour de l’appropriation abusive des savoirs autochtones, dont cet article peut être une porte d’entrée : https://theconversation.com/debat-la-biopiraterie-ou-le-vol-des-savoirs-ancestraux-92780
[25] Pour consulter leur site internet : https://a4asso.org/
[26] Défini dans leur cadre stratégique comme « tous les acteurs doivent bénéficier de la transition et être capables d’y prendre part »
[27] Pour en savoir plus : https://www.catl.be/le-cpa/
[28] On peut citer la MadIL (Maison de l’Alimentation Durable et Inclusive de Liège) (https://www.madil.be/charte-activite-madil-mise-en-page-a4.pdf)
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