Rions ! et Pensons ! L’engagement 2.0 – Analyse d’éducation permanente

Rions ! et Pensons ! L’engagement 2.0 – Analyse d’éducation permanente
  • Analyses et études d'éducation permanente

 


Une analyse d’Alexia THOMAS, chargée de projets d’Education citoyenne Eclosio et socio-anthropologue en citoyenneté durable. 

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Comment éveiller les consciences face à l’urgence climatique sans ajouter aux inquiétudes quotidiennes? Comment arriver à faire naitre une réflexion sur les enjeux actuels au plus grand nombre ? A ceux qui ne lisent plus les journaux, ne regardent plus les nouvelles, sont sur Spotify et n’écoutent plus la radio ? Comment dans ce monde où le nombre de personnes dépressives et anxieuses augmente de jour en jour1, garder le sourire ?

« Dans cette époque sinistre, la tâche qui nous [les humoristes] incombe de faire rire s’apparente plus à de la médecine d’urgence que du divertissement. » disait Blanche Gardin (humouriste) lors de son discours lors de la 31ième nuit des Molières en 2019.

Dans un article précédent, sur la question de l’anxiété climatique et le besoin d’une dose « saine » d’angoisse, nous nous étions demandé·es comment dédramatiser ce sentiment de culpabilité personnel lié aux diverses crises sociétales et plus précisément à la crise climatique. En effet, lors d’un échange fait en Tunisie en juillet 2023, sont ressorties beaucoup de réflexions autour de l’éco-anxiété et de l’incohérence de chacun·e quant à ses actions versus ses valeurs d’écologie et d’éthique pour un monde meilleur. Face aux préoccupations grandissantes quant à l’avenir, nous avions exploré différentes manières de voir les choses afin de décomplexer l’action climatique individuelle, et de respirer. Ces réflexions ont été le fruit d’un premier article2 et celui-ci prolonge le questionnement afin de réfléchir à la place de l’humour comme étant une solution potentielle à une diminution de la culpabilité individuelle et à l’éco-anxiété mais aussi afin de réfléchir à l’humour comme étant un moyen d’éveil, un lieu de conscientisation, d’apprentissage, de déclics et finalement : d’engagement.

Pour rappel, les moyens de trouver une dose « saine » d’anxiété et de dédramatiser l’angoisse grandissante chez les jeunes face à l’inaction climatique était qu’il est utile de se rappeler qu’il y a des notions d’échelle et d’ordre de grandeur à prendre en compte en termes d’empreinte carbone. Par exemple : prendre l’avion a un impact bien plus important que de manger de la viande plusieurs fois par semaine. Ainsi en calculant un peu ce qui est le plus polluant versus le moins, on peut se décomplexer de la tranche de saucisson mangée chez mamy à l’apéro du dimanche soir3.

D’autre part, on peut se délester d’une partie de notre culpabilité en regardant la part de responsabilité des politiques et des entreprises qui peuvent à eux seuls faire basculer les modalités de consommation et de vie des individus. « C’est important de ne pas s’hyper-responsabiliser, de n’endosser de responsabilités que ce sur quoi l’on peut agir. Il faut mettre de côté cette hubris d’impuissance pour se remobiliser ici et maintenant, à sa juste place, à son juste niveau. » 4 Il est important que la culpabilité ne soit pas principalement remise sur les épaules des individus, et ce, malgré ce que voudraient parfois faire croire les acteurs précités, premiers promoteurs de l’individualisation de la responsabilité d’action climatique.

Cet article quant à lui pose diverses questions : est-ce que les différents formats de l’humour promeuvent une dose « saine » d’anxiété nécessaire à l’action climatique de tous·tes (pas uniquement les individus) ? L’humour est-il inclusif et permet-il une réflexion de fond sur des enjeux sociétaux ? Quelles sont les limites à l’humour et quels sont les formats que prennent le « rire engagé » ? Dans cet article nous allons proposer une autre manière de se défaire du sentiment d’être coincé·es dans le piège du réchauffement climatique, héritage de l’activité humaine au nom du progrès de l’industrialisation, du capitalisme et perpétué encore et encore par un système de croissance continue dans un monde aux ressources finies … alors pourquoi ne pas en rire ? Le rire comme dernier rempart aux larmes ? Les jeux de mots fusent : « des larmes au rire, du rire aux armes », « trouble de l’humour », …on n’est pas seul·es à penser l’humour comme potentiel levier d’action ou en tout cas de réflexions engagées pour un monde meilleur. Pour nous aider à répondre aux questionnements posés, nous avons demandé à des jeunes étudiant·es leurs avis sur l’humour au moyen d’un micro-trottoir réalisé sur le campus de Liège le 7 septembre 2023.

L’humour, lieu d’apprentissage en légèreté

« Rire pour ne pas pleurer ! Le rire contre l’inaction climatique : c’est ce que proposent les internautes sur divers réseaux sociaux ces derniers temps. Face aux messages alarmistes sur l’environnement qui nous enferment dans une spirale de culpabilité, d’angoisse et de lassitude, le rire est devenu une nouvelle manière de s’informer sur notre planète. » Voilà un extrait d’un article de la RTBF5 (14 décembre 2022) qui note l’importance grandissante que prend le rire dans le discours autour des enjeux de société et plus spécifiquement autour des défis climatiques. L’humour que ce soit une bd, au théâtre, au cinéma, à la TV, sur les scènes de stand-up, sur YouTube, Instagram ou TikTok touche un public varié de jeunes et de moins jeunes issu·es de tous les milieux sociaux (les goûts varient mais tout le monde aime rire). On note dans ce passage également le lien qui est fait entre l’humour et les réseaux sociaux à l’heure actuelle. Nous avons interrogé des étudiant·es sur le campus de l’université de Liège en micro-trottoir : « Pour moi l’humour peut être un moyen d’engagement politique parce que sur les réseaux sociaux, il y a beaucoup de gens qui font de l’humour et qui ont beaucoup plus de visibilité puisqu’ils sont plus suivis et ça permet de faire passer différents messages à travers un support qui est à la base plus ludique et plus amusant à regarder qu’un simple discours pas très passionnant où tout le monde s’ennuie. »  Un autre jeune : « Je pense que l’humour c’est quelque chose qui nous touche en tant que jeune que ça pourrait faire passer des messages ou des leçons de vie et cetera. Par exemple, Jamel Debouze, il nous fait toujours passer des leçons bien avec ses sketchs. »

Effectivement de plus en plus d’humoristes se tournent vers les médias sociaux afin de se faire connaitre, remplir des salles, faire des vues et partager du contenu. « S’il [le stand-up] reflète bien notre époque, c’est parce que l’humour est un élément fondamental pour les millennials [la génération Y, soit les personnes nées entre 1980 et 2000]. Une étude de la chaîne Comedy Central montre que, plus que la musique, plus que le sport ou le style, l’humour est le premier moyen d’expression de soi, et c’est quelque chose de nouveau. On partage des liens de vidéos humoristiques car elles dévoilent qui on est. D’ailleurs, c’est intéressant de voir que l’humour s’adapte à ses moyens de diffusion. Cette étude, rapportée dans le New York Times, révèle aussi que l’humour absurde avait pris le dessus sur l’ironie, davantage associée à la génération précédente. »6 L’humour, qui existe depuis bien longtemps (si pas toujours, nous avons des preuves via les pièces de Diogène en Grèce antique, les fous du roi au Moyen-Age, …), présent sur les scènes de théâtres, à la radio, au cinéma, à la TV, s’est adaptés aux moyens contemporains. Ces moyens actuels lui servent de tremplins par leurs pouvoirs de diffusion et lui donne le vent en poupe surtout chez les jeunes qui sont sur les réseaux sociaux. Cela en fait également réceptacles de bons nombres de ce genre de messages. Messages qui peuvent être purement absurdes et ayant comme but unique de faire rire, ou alors encore qui, sous couvert d’une blague, font quand même passer une position, une opinion, une critique. Mais l’humour n’est pas réservé qu’aux jeunes « L’humour est une chose qui transcende la plupart des barrières. Il s’agit d’une unité commune, d’un concept compris par tous. (…) Y a-t-il des gens qui n’aiment pas rire ? » 7 L’humour rapproche et fait fit des différences d’âges, d’origines sociales, …

L’humour ça peut aussi amener un éclairage sur des sujets lourds avec fraicheur et légèreté.

Rire du patriarcat, du capitalisme, des inégalités, …  revient à les dénoncer et à vouloir faire bouger les mœurs. L’humour c’est « un ton qui permet de lutter contre l’éco-anxiété, mais aussi de participer à l’éveil des consciences. »8 « On est loin de faire juste une blague en faisant l’humour. On fait bien plus que ça quand on rit de Gilbert Rozon 9, par exemple. On fait bien plus que générer des rires quand on fait une blague sur les différences entre les hommes et les femmes » analyse Julie Dufort, professeure du cours Humour et société à l’École nationale de l’humour.10 On va donc au-delà des normes et on déconstruit. « Ainsi, Shifman et Lemish11 notent l’utilisation de l’humour dans un cadre postféministe qui s’oppose aux « inégalités genrées et à la stéréotypisation hégémonique » comme une expression de l’agentivité des femmes et de leur droit de critiquer les structures sociales. » 12 Et ça agirait sur le réel : « Les discours féministes sur la plateforme [Youtube] pourraient donc permettre de remettre en question les stéréotypes et les rôles traditionnels hiérarchisés attribués aux genres masculins et féminins, et ils pourraient avoir un impact sur les réalités et opportunités des femmes sur la plateforme et dans le monde réel. » 13

Des humouristes qui déconstruisent avec humour (par exemple le féminisme) ça fonctionne vraiment ? Exemple avec une blague qui fait rire et réfléchir avec un extrait d’un réel de Swann Périssé (humoriste engagée) : « L’autre jour j’étais dans le métro avec mon énorme sac à dos de voyage et mes rollers qui dépassaient. Je me suis rendue compte que je bousculais tout le monde. Je me suis dit « Tiens, je me rends pas compte de la place que je prends dans l’espace public ! » Et pendant un instant je me suis sentie comme un homme blanc non déconstruit ! Haha !

C’est donc ça que ça fait de ne pas prendre en compte les besoins des autres ? De faire comme si nous étions tous sur un pied d’égalité ? « C’est pas de ma faute, c’est la faute du sac à dos. » « Rholala c’est pas de ma faute si vous êtes pris les roues de mes rollers sur le visage ! Allez, Regardez un peu hein !  Mes rollers sont là, adaptez-vous à moi un peu ! » (…) » 14 . La vidéo est évidemment mieux que la retranscription mais vous avez l’esprit.

Quête d’identité

De plus en plus, les humouristes se branchent donc sur des sujets d’actualité afin de faire rire et créer une réflexion autour de sujets qui leurs tiennent à cœur tel que le féminisme, le racisme, l’écologie, les inégalités, l’éducation, … Ça en devient une marque de fabrique, une obligation ? Exemplification avec Blanche Gardin qui souligne cette tendance et qui est engagée dans de multiples causes. Voici un extrait de son spectacle « Bonne Nuit Blanche » -la vidéo15 est encore une fois évidemment mieux- “J’aimerais bien avoir une cause moi. Parce que je vois bien en plus la nouvelle génération les gens qui montent sur scène… Ils ont tous un truc à défendre : une identité, un truc. Et moi, j’ai rien, moi. Je, enfin, j’ai pas de spécificités. Je veux dire ; j’suis pas homo, j’suis pas trans, j’suis pas végan, j’suis pas poly amoureuse, j’suis pas obèse, j’suis pas noire, … Je suis même pas antisémite… J’suis rien du tout. (…) J’aimerais bien représenter un groupe. Je me dis que ça doit être bien de pouvoir dire « Nous c’est ça ! Nous c’est ça !… Et on souffre !! » Mais j’ai pas de… non.. Enfin si, oui, je représente un groupe… mais mon groupe est nul quoi. Mon groupe est désespérant quoi. Mon groupe je veux dire.. Les femmes blanches hétérosexuelles de 42 ans consommatrice d’anxiolytiques.. Bon ! C’est pas une identité. C’est un cercueil hein ! Je n’ai rien à vendre sur le terrain d’identité. » 16 Dans cet extrait, on lit bien l’importance grandissante des humouristes de défendre une cause, de représenter une identité et un combat. Elle parodie en faisant semblant qu’elle ne revendique rien, alors une partie de son spectacle revient à une association permettant la lutte au sans-abrisme et qu’elle est engagée dans la déconstruction des normes sociales en passant à la loupe et en questionnant la sexualité patriarcale, le viol, le mouvement #metoo, le célibat, l’écologie, la migration, … Elle utilise avec brio humour afin de soulever divers sujets de société ; « Je suis pas écolo. Ouais. Je suis pas écolo du tout. J’ai pas d’enfant moi, donc, pour moi la vie s’arrête à la mienne. Donc même si ça va un peu plus vite que prévu, j’aime pas le ski toute façon. (rires) (…) Non. J’aime pas le ski, parce que la dernière fois j’ai été au ski… seule. Est-ce qu’il y a quelque chose de plus triste au monde que d’aller au ski seul ? En dehors d’une maman érythréenne qui trouve plus son petit à l’arrière du zodiaque au milieu de la Méditerranée.. Je veux dire hein.. sur notre échelle de tristesse à nous. Je veux dire… c’est vrai, c’est chiant d’aller au ski seule. » 17 Son intonation et son humour noir permet de se rendre compte de l’absurdité de certaines situations qui méritent offuscation, prise de conscience et puis actions (ex : c’est un problème de riches de se préoccuper de ne plus pouvoir aller skier à cause du réchauffement climatique alors qu’on laisse mourir des gens dans la Méditerranée). Blanche Gardin a d’ailleurs refusé de prendre part au programme « LOL : Qui rit sort ! » d’Amazon en revendiquant justement que l’humour était engagé et que ce n’était pas en accord avec ses valeurs de participer. Vous trouverez une retranscription de son post qui explique son choix, drôle et éducatif en Annexe 1.

Humour noir : provocateur oui. Mais pas que…

Le type d’humour utilisé ici est dit « noir » définit par Wikipédia comme étant « L’humour noir est une forme d’humour qui souligne avec cruauté, amertume et parfois désespoir l’absurdité du monde, face à laquelle il constitue quelquefois une forme de défense. Faisant généralement appel à l’ironie et au sarcasme le plus violent, il doit être parfaitement maîtrisé pour ne pas être confondu avec de la simple grossièreté ou de la méchanceté gratuite.« , ce genre d’humour est particulièrement prisé car il permet justement de tourner au comique les situations dramatiques de ce monde. Il n’est pas sans risque car il peut être mal interprété mais qu’on l’apprécie ou pas, il permet une mise en avant des incohérences et de l’absurdité du monde. Il provoque quelque chose et au-delà de choquer, ce type d’humour vise à être générateur de réflexions.

Un des jeunes interrogés nous dit : « L’humour noir fait tout le temps réfléchir. L’humour noir ça traverse l’esprit et c’est un peu le concept que ça choque souvent. » Et à la question de savoir si l’on peut rire de tout, il nous répond « Moi je suis croyant et j’ai pas de problème à dire que j’ai pas envie qu’on rigole de ma religion. »

Humour et transgressions des codes

L’humour semble donc être le tremplin parfait pour aborder des questions de sociétés de par la liberté laissée aux stand-uppers à aborder tous les sujets qu’ils·elles souhaitent. « Liberté » car dans l’humour, ce dont on peut rire et ne pas rire reste sujet à controverses, cela dépend beaucoup du vécu de chacun. « Si les dirigeants ont toujours tenu l’humour à l’œil, c’est justement parce qu’il peut être utilisé pour pointer leurs incohérences et convaincre les gens. Car l’humour génère des émotions.» 18 Historiquement, la naissance du stand-up est née dans un entremêlement d’humour et de privation de liberté. « Parmi les pionniers de cet art oratoire profondément américain, on rencontre la figure d’un homme en costume cintré et aux yeux de félins : Lenny Bruce. Il émerge à la fin des années 50 (…). Marqué par le jazz, la Beat Generation, le sexe et la boucherie que fut la Seconde guerre mondiale, Bruce torpille dans ses sketchs la morale hypocrite, la ségrégation raciale, et un certain ordre du discours. La télévision, alors en plein essor, le fait connaître au niveau national, mais son style et ses propos percutent assez vite les codes établis de l’Amérique puritaine des jeunes années 60. À l’époque, le crime d’obscénité règne. Il condamne toute œuvre qui susciterait l’excitation sexuelle. Une guerre juridique empoisonne dès lors la vie de Lenny Bruce : arrestations en plein spectacle, rapports de police, séjours en prisons et procès interminables. » 19 Lenny Bruce lance donc une nouvelle modalité qui bouscule les normes, le stand up. Défini par Le Robert comme étant un : « Genre de spectacle, né à la fin du xixe siècle aux États-Unis, au cours duquel un humoriste s’adresse au public directement, sans accessoires ni personnages, d’une manière spontanée, quasi improvisée ; spectacle de ce genre. La vie quotidienne est l’un des thèmes de prédilection des stand-ups. » 20 Ainsi se présente sur scène quelqu’un qui partage avec humour, en tournant au ridicule ou à la (auto)dérision, des situations du quotidien en passant parfois par une critique de l’actualité. Ce qui n’est pas pour plaire à tous. En effet, à ces débuts il était fort controversé de rire de certaines choses. Ça l’est encore. Un autre jeune interrogé nous dit « On ne peut pas rire de religion, peu importe laquelle, qu’il faut respecter les croyances. »

Mais certains résistent et affirment que l’on peut rire de tout (Blanche Gardin, Ricky Gervais par exemple). Ce format d’humour qu’est le stand-up, a le vent en poupe dans les milieux francophones se développe à la vitesse VV’ car justement décloisonne l’humour de milieu tel que le théâtre, le cinéma dont l’accès n’est pas toujours démocratique. Le stand-up rend accessible l’humour à un plus grand public et ce encore davantage grâce aux moyens de communications modernes (radio, tv, internet, …). Au-delà du public plus vaste, les protagonistes changent également ainsi « la parole change de camps ». Le stand-up représente dès lors un lieu où la parole se donne de plus en plus à des personnes issues des marges à qui on ne donne pas forcément la parole ailleurs. « Longtemps dominé par la présence masculine blanche, le stand-up se veut aujourd’hui beaucoup plus inclusif, voire intersectionnel, cherchant ainsi à s’adresser à l’ensemble de la société. »21 « Nelly Quemener, enseignante-chercheuse en sciences de l’information et de la communication à l’Université de la Sorbonne de Paris, retrace dans son livre « Le Pouvoir de l’humour » les évolutions du rire dans les médias français de 1980 à nos jours. Avec l’émergence du stand-up comme scène d’affirmation par et pour les minorités ethniques et l’irruption d’humoriste-femme interrogeant les normes masculin/féminin, l’humour est devenu au cours des années 2000 une arme politique pour les subalternes et un moyen de lutte contre les hégémonies culturelles dominantes. »22 

En France, en Belgique, au Canada, nombreux·ses sont celles et ceux qui jouent avec l’humour afin de générer de la curiosité sur divers enjeux : @lejeuneengagé, @louannemanshow, Fanny Ruwet, Claudine Mercier, Paul Mirabel, Marina Rollman, Kyan Kojandhi, « et tout le monde s’en fout », Tahnee, Mahaut Drama, Lou Trotignon,…  Swann Périssé fait parler d’elle. Stand-uppeuse, youtubeuse, influenceuse, … féministe, écolo engagée, elle cherche à sensibiliser et influencer par son humour. Extrait d’un épisode du podcast du « clic d’Alix » avec Swann où elle parle de sa chaine « Vert chez vous » -chaine où elle parle d’écologie- : « J’aime bien avoir une chaîne tout public [d’humour ‘Swann Périssé’]. Ben comme ça on rigole tous ensemble et au fur et à mesure, vu que ça infuse tout ce que je fais l’écologie, ils [les auditeurs] se disent : « Ah bah elle me fait rire genre, je crois qu’elle est écolo ». Donc ils regardent et tout à coup ils trouvent ce 2e réseau (Vert chez vous) et y’en a plein qui se disent « Attends, je kiffe cette meuf ! Elle me fait taper des barres ! Ah, mais en plus elle est écolo ! Ah tiens c’est vrai qu’on peut avoir un composteur chez soi ! Ah il faut réduire l’avion pour être plus écolo ? Ah je peux manger du chocolat sans me sentir coupable mais il faut que je réduise la voiture » (histoire genre qu’ils aient des notions d’ordre de grandeur) et là je me dis que j’ai réussi ma vie quoi ! » On voit donc bien l’intention affichée de conscientiser par son humour à des enjeux qui lui tiennent à cœur afin de lier l’utile à l’agréable.

L’humour comme moyen de rire et comme moyen d’influence.  « Le stand-up intègre une dimension d’expérimentation, pour créer une émotion. Il peut être une forme d’art très transgressive, car très risquée et très incarnée. Ce qui est formidable, c’est qu’on sait tout de suite si cela marche ou pas, si le public rit ou pas. Il me semble aussi que ce genre est à la pointe des débats qui traversent l’Amérique et incarne les valeurs les plus avant-gardistes, en particulier sur les questions de race, de sexualité, de drogue… Et puis, il transforme la vie des gens, ce qui peut être l’un des critères de définition d’un art. »23  Ce moyen d’allier humour et activisme peut entrer dans la définition du néologisme d’ARTIVISME : Activisme s’appuyant sur des actions artistiques.24 Au final, l’humour est un art à part entière où, comme le dadaïsme25 qui joue avec la provocation, l’humour va également provoquer et tourner à la rigolade des situations absurdes du quotidien qui au final mérite une réflexion.

Les limites de l’humour

Mais attention car la ligne est fine afin d’être drôle. On se souvient du présentateur Tex qui s’est fait viré après avoir fait une blague26 «

de mauvais gout » sur les femmes battues. Il s’agit de comprendre qui fait la blague, dans quel contexte et avec quel « background ». Une jeune lors de notre micro-trottoir souligne ceci. « Je trouve qu’il faut par contre faire attention avec l’humour que dans certains cas, il y a certains types d’humour qui sont mal placés. Si on regarde en politique et qu’on voit ce que les partis de droite ou d’extrême droite et les choses qui sont dites sur un ton soi-disant humoristiques mais au final ça ne passe pas très bien parce que ça critique certaines personnes ou quoi. » Une autre complète : « On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui. Je pense que tous les sujets peuvent être abordés avec humour. Après ça dépend la manière dont s’est fait. Il faut que ça soit humoristique, mais toujours avec un minimum de respect quand même. Il y a une jauge à avoir et c’est pas toujours facile. Mais voilà, en fonction du public aussi il y a des trucs à adapter. Ça dépend par qui s’est fait et dans quelle idée quoi, mais parfois ça peut être abusif et voilà, faut faire attention. »

L’humour est basé sur les traditions de nos sociétés et tord les coutumes pour créer une tension qui se relâchera par un rire grâce à l’inattendu.27 L’humour est dès lors très culturel et subjectif, et demande une connaissance des codes sociétaux. Chaque culture a ses propres codes et les codes de l’humour sont les mêmes : rire de ses codes là, pour aller au cœur des problèmes de sociétés. On n’a pas tous le même humour. Doit-il critiquer ou juste divertir ? Cette question a fait l’objet d’une chronique sur France Inter avec la directrice de France Inter (Laurence Bloch) et le directeur des programmes (Yann Chouquet). Mme Bloch dit ceci : « L’humour est la chose la moins bien partagée du monde. Ce qui vous fait rire ne fait pas forcément rire votre voisin parce que vous n’êtes pas à la même place. Il y a mille façons d’être drôle : il y a la poésie toujours très fraternelle de François Morel, le côté très « salle de garde » qui exaspère de Daniel Morin, le côté plus surréaliste de Chris Esquerre, et la caricature et la satire, les fous du roi que doivent être les humoristes. La limite que je mets c’est la loi et la jurisprudence. Les personnalités politiques et publiques ont besoin de leurs fous du roi. L’humoriste doit-il avoir une limite ? C’est la question de la liberté de pensée. Ce ne sont pas les sentiments et les ressentis mais la loi qui limite. » 28 Elle souligne que le fait « rire de quelque chose qui fait mal le rend moins douloureux » et qu’il faut avoir le courage de déplaire, la permission absolue d’être imprudent. Le glissement possible est quand la méchanceté remplace l’humour alors c’est le dérapage, mais le rire est le signe d’une société démocratique qui arrive à prendre du recul. Cet argument de l’humour comme signe d’un état démocratique est également repris dans la vidéo dédiée à l’humour de « Et tout le monde s’en fout »29 où ils mettent en avant l’autodérision comme moyen de prendre du recul et donc de prendre de meilleures décisions. Ils notent que l‘humour est un baromètre démocratique car l’interdiction de l’humour est une manière d’être totalitaire.

Illustration analyse Alexia Thomas

Conclusion

En conclusion, on peut voir que l’humour a sa place à part entière dans l’engagement pour des causes variées selon les enjeux/combats de chacun. L’humour est un moyen utile et même nécessaire, qui rassemble jeunes et moins jeunes grâce à des formats et des styles différents : du théâtre au podcasts, en passant par les réseaux sociaux, les films, les petites vidéos, le standup, l’improvisation, les sketchs, l’ironie, le comique de situation, la caricature, la satyre… … de plus en plus d’humouristes s’attèlent à faire rire toute en éclairant certains sujets de société. Ce doux alliage déride et donne un autre gout à la crise climatique, donne envie d’en savoir plus et parfois donne envie de passer à l’action. Sous couvert d’une blague peut-être que certains finiront par comprendre que certaines habitudes mettent en péril la vie des générations futures … encore faut-il trouver le phrasé. C’est tout un art.  « Au-delà du rire, des humoristes veulent aussi faire réfléchir »30 Et cet art est d’autant plus précieux qu’il permet de relativiser, de relâcher la pression que beaucoup ressentent quant à l’urgence climatique qui est anxiogène à juste titre. Le fait de pouvoir avoir un lieu de décompression, de rires, de critique satirique, de joie est de plus en plus comme le disait Blanche Gardin : une urgence médicale.

 


Notes :

¹ « La détresse augmente partout dans le monde, et ce n’est pas dû à la pandémie de Covid-19, relèvent des chercheurs. Entre 2009 et 2021, les signalements de stress, tristesse et inquiétude sont ainsi passés de 25 à 31%, soit une augmentation d’un quart, souligne Michael Daly, premier auteur de l’étude parue dans la revue PNAS et chercheur au département de psychologie de la Maynooth University (Irlande). » GAUBERT C., mars 2023, Sciences et Avenir, [en ligne :] https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/la-sensation-de-detresse-augmente-partout-dans-le-monde-et-ce-n-est-pas-a-cause-du-covid-19_170325 , consulté le 2 septembre 2023.

2 THOMAS Alexia, Eco-LOCO ou la question de la cohérence : https://www.eclosio.ong/publication/etre-eco-loco-ou-la-question-de-la-coherence-analyse-deducation-permanente/

3 Cet article est à prendre avec humour, bien entendu. « Practice what you preach. », « Walk the talk » On n’est pas juste là à perpétuer les stéréotypes sur la société, on en rigole pour les déconstruire 😉

4 Alice Desbiolles, médecin de santé publique, épidémiologiste et autrice de L’éco-anxiété, vivre sereinement dans un monde abîmé (Fayard, 2020).

5 « Le rire, l’arme des réseaux sociaux contre le changement climatique », RTBF, 14 décembre 2022, [en ligne :] https://www.rtbf.be/article/le-rire-l-arme-des-reseaux-sociaux-contre-le-changement-climatique-11122938, consulté le 31 août 2023.

6 GOURDON J., « «Le stand-up peut être une forme d’art très transgressive», Libération, 21 avril 2015, [en ligne :] https://www.liberation.fr/cinema/2015/04/21/le-stand-up-peut-etre-une-forme-d-art-tres-transgressive_1256735/, consulté le 31 aout 2023.

7 TARVIN A., « The Skill of Humor », Juin 2017, [en ligne :] https://www.youtube.com/watch?v=MdZAMSyn_As consulté le 12 septembre 2023.

8 OTTER M., « L’humour contre l’éco-anxiété : « rire de l’urgence, c’est avoir l’illusion de prendre le pouvoir sur le réel », Nouvel Obs, Avril 2023, [en ligne :] https://www.nouvelobs.com/ecologie/20230401.OBS71622/l-humour-contre-l-eco-anxiete-rire-de-l-urgence-c-est-avoir-l-illusion-de-prendre-le-pouvoir-sur-le-reel.html, consulté le 4 septembre 2023.

9 Fondateur du festival « Juste pour rire » au Québec.

10 FRAGASSO-MARQUIS V., « Au-delà du rire, des humoristes veulent aussi faire réfléchir », La Presse, Décembre 2017, [en ligne :] https://www.lapresse.ca/arts/spectacles-et-theatre/humour-et-varietes/201712/09/01-5146525-au-dela-du-rire-des-humoristes-veulent-aussi-faire-reflechir.php consulté le 12 septembre 2023.

11 Limor Shifman et Dafna Lemish, « “Mars and Venus” in Virtual Space: Post-Feminist Humor and the Internet», Critical Studies in Media Communication 28, no 3 (août 2011): 253 73, https://doi.org/10.1080/15295036.2010.522589.

12 Marée, Constance. Quelque part entre féminité traditionnelle et féminisme… Analyse des stéréotypes genrés au sein de la chaîne Youtube MadmoiZelle. Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication, Université catholique de Louvain, 2019. Prom. : De Cock, Barbara.

13 « (…) Les discours féministes sur la plateforme pourraient donc permettre de remettre en question les stéréotypes et les rôles traditionnels hiérarchisés attribués aux genres masculins et féminins, et ils pourraient avoir un impact sur les réalités et opportunités des femmes* sur la plateforme et dans le monde réel. Le discours politique féministe sur Youtube possède de ce fait une potentielle double portée : il connaît une possibilité d’impact sur les autres utilisateur·trice·s et sur leurs idées mais il peut également constituer les vidéastes féministes en tant que sujets, en tant qu’actrices de leur propre lutte, mettant en action leur pouvoir d’agentivité. La création de ces contenus féministes peut en effet représenter une forme d’agency pour les militant·e·s, de prise de parole et d’empowerment des femmes* en général au sein des espaces numériques encore sexistes, et influencer ainsi les destinataires des messages. » Marée, Constance. Quelque part entre féminité traditionnelle et féminisme… Analyse des stéréotypes genrés au sein de la chaîne Youtube MadmoiZelle. Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication, Université catholique de Louvain, 2019. Prom. : De Cock, Barbara.

14 PERISSE S., « Tu parles trop Judith », juin 2022, [en ligne :]  https://www.instagram.com/reel/CeVwvQqAi4C/  consulté le 12 septembre 2023.

15 Extrait de « Bonne Nuit Blanche », Blanche Gardin, 2019, [en ligne :] https://www.youtube.com/watch?v=KN_QbEpibl8 consulté le 2 septembre 2023.

16 « Bonne Nuit Blanche » de Blanche Gardin spectacle de 2019.

17 Extrait de « Bonne Nuit Blanche », Blanche Gardin, 2019 [en ligne :] https://www.youtube.com/watch?v=KN_QbEpibl8 consulté le 2 septembre 2023.

18 « Et tout le monde s’en fout #66 -L’humour-», décembre 2020, [en ligne :]  https://www.youtube.com/watch?v=9f3Mc25mg9k , consulté le 12 septembre 2023.

19 « Lenny Bruce (1925 – 1966), pionnier et martyr du stand-up », France Culture, 30 juillet 2023, [en ligne :] https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/toute-une-vie/lenny-bruce-1925-1966-pionnier-et-martyr-du-stand-up-6046767 consulté le 31 août 2021.

20 https://dictionnaire.lerobert.com/definition/stand-up#:~:text=D%C3%A9finition%20de%20stand%2Dup%20%E2%80%8B,improvis%C3%A9e%20%3B%20spectacle%20de%20ce%20genre

21 « Culture Urbaine » Théâtre National, [en ligne :] https://www.theatrenational.be/fr/group/3346-culture-urbaine , consulté le 31 août 2023.

22 « L’humour des minorités contre les hégémonies culturelles », Agir par la Culture, Printemps 2017,  [en ligne :] https://www.agirparlaculture.be/l-humour-des-minorites-contre-les-hegemonies-culturelles-entretien-avec-nelly-quemener/ consulté le 31 août 2023.

23 GOURDON J., « Interview de Miriam Katz : Le stand-up peut être une forme d’art très transgressive », Libération, Avril 2015, [en ligne :]
https://www.liberation.fr/cinema/2015/04/21/le-stand-up-peut-etre-une-forme-d-art-tres-transgressive_1256735/, consulté le 31 août 2023.

24 Dictionnaire https://langue-francaise.tv5monde.com/decouvrir/dictionnaire/a/artivisme , consulté le 31 août 2023.

25 « Le dadaïsme est un mouvement intellectuel et artistique qui apparut à New York et à Zurich (1916), se diffusa en Europe jusqu’en 1923 et exerça, par sa pratique subversive, une influence décisive sur les divers courants d’avant-garde. Dada, mouvement international d’artistes et d’écrivains, est né d’un intense dégoût envers la guerre qui signait à ses yeux la faillite des civilisations, de la culture et de la raison. Terroriste, provocateur, iconoclaste, refusant toute contrainte idéologique, morale ou artistique, il prône la confusion, la démoralisation, le doute absolu et dégage les vertus de la spontanéité, de la bonté, de la joie de vivre. » Larousse, [en ligne :] https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/mouvement_dada/115416 , consulté le 12 septembre 2023.

26 « Que dit on a une femme qui a un œil au beurre noir ? bah plus rien, on vient de lui expliquer. » avait donc dis Tex. Blague qui lui coutera son poste.

27 TARVIN A., « The Skill of Humor », Juin 2017, [en ligne :] https://www.youtube.com/watch?v=MdZAMSyn_As , consulté le 12 septembre 2023.

28 « L’humour Inter : peut-on rire de tout ? », Le rendez-vous de la médiatrice, France Inter, 21 décembre 2018, [en ligne :] https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-rendez-vous-de-la-mediatrice/l-humour-inter-peut-on-rire-de-tout-5067693 , consulté le 12 septembre 2023.

29 « Et tout le monde s’en fout #66- l’humour », décembre 2020, [en ligne :] https://www.youtube.com/watch?v=9f3Mc25mg9k , consulté le 12 septembre 2023.

30 FRAGASSO-MARQUIS V., « Au-delà du rire, des humoristes veulent aussi faire réfléchir », La Presse, Décembre 2017, [en ligne :] https://www.lapresse.ca/arts/spectacles-et-theatre/humour-et-varietes/201712/09/01-5146525-au-dela-du-rire-des-humoristes-veulent-aussi-faire-reflechir.php , consulté le 12 septembre 2023.

 


Annexe 1. Blanche Gardin refuse de participer à LOL Qui sort ! saison 4 et explique pourquoi (20 avril 2023):

« Très très cher Monsieur Bezos,

Je suis au regret de devoir refuser votre invitation à participer à la prochaine saison du jeu « LOL : Qui rit sort ! » diffusé sur votre plateforme d’Amazon. J’ai bien compris qu’il ne s’agissait que d’une seule journée de tournage, seulement voilà, ce jour-là, j’ai dentiste. Et, en tant que troisième fortune mondiale, vous le savez, il faut de bonnes dents bien longues pour réussir dans ce monde.

Il se trouve aussi que je serais gênée aux entournures (pour ne pas dire que ça me ferait carrément mal au cul) d’être payée 200 000 euros pour une journée de travail même si je perds à votre jeu, quand l’association caritative de mon choix remporterait, elle, 50 000 euros, c’est-à-dire 4 fois moins, et encore, seulement si je gagne.

Oui, ça me gêne de toucher, pour 8 heures de travail, cette somme affolante de la part d’une entreprise qui :

– Ne paye pas ses impôts en France et bénéficie même d’1 milliard d’euros de crédit d’impôts alors qu’elle fait 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

– Qui émet 55,8 millions de tonnes de gaz à effet de serre par an (soit l’équivalent des émissions du Portugal) seulement avec ses data centers, sans parler des milliers de camions, d’avions…

– Qui utilise la main-d’œuvre des camps de concentration ouïghours.

– Qui détruit les emplois du petit commerce et toute la vie sociale qui va avec.

– Que les emplois qu’elle crée en détruisant d’autres sont des emplois éreintant dans des entrepôts déshumanisés, où on traite les employés comme des robots qu’on essore en leur mettant une pression folle avec des cadences infernales et qu’on empêche de se syndiquer…

Tout ça pour quoi ? Pour qu’on puisse commander des couches pas chères depuis notre canapé en se grattant les couilles. Oui, ça me gêne.

D’autre part, en tant qu’actrice et auteure de films, je caresse le rêve un peu fou que mes futurs projets puissent sortir dans une salle de cinéma. J’ai bien conscience que le niveau de dissonance cognitive est très élevé à notre époque, mais vous conviendrez que faire de la publicité pour votre plateforme (puisque c’est de cela qu’il s’agit je crois) reviendrait à me tirer une balle dans le pied. Je n’ai pas envie que dans dix ans plus personne n’aille au cinéma et qu’on soit tous en train de mater des séries sur le canap’ en se faisant livrer des burgers par des sans-papiers qui pédalent sous la pluie.

Si toutefois, me lisant, vous tombiez des nues, ou de l’espace (je connais pas votre emploi du temps ces jours-ci) en découvrant des choses dont vous n’étiez pas au courant et qui vous peinent, et que ça vous donne envie de repenser entièrement votre entreprise, alors peut-être que vous pourriez me réinviter ultérieurement. Et que je pourrais accepter. Lol. »